mardi 21 janvier 2020

«L’antisémitisme est un virus qui mute», déplore le grand rabbin de France


Une étude de l'Ifop pour Fondapol et l'American Jewish Committee révèle que 34 % des juifs de France se sentent menacés au quotidien. Un phénomène qui frappe particulièrement les 18-24 ans, dont 84 % affirment avoir déjà été victimes d'actes antisémites. Le grand rabbin Haïm Korsia dénonce Internet, « déversoir de haine sans limites ».......Interview.........



Un tiers des citoyens français de confession juive déclarent se sentir menacés. Vous le constatez au quotidien ?
HAÏM KORSIA. Vous n'imaginez pas à quel point. Nous avons alerté les pouvoirs publics depuis longtemps sur ce sentiment d'insécurité, qui est alimenté par des choses réelles : malheureusement, il y a eu des morts; malheureusement, les agressions sont récurrentes. 
Ce peut être quelqu'un qui fait la queue à l'épicerie et s'entend dire sale juif, sale race. Il y a une désinhibition incroyable. Après la marche de janvier 2015 ( NDLR : après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher ), on aurait pu espérer un élan de fraternité. 
Paradoxalement, chaque agression antisémite provoque un effet réplique. Regardez les dégradations de cimetières …

Cette étude montre aussi l'ampleur des « stratégies d'invisibilité »…
Certains n'osent pas demander de congés à leur employeur pour les fêtes de Kippour ou Roch Hachana, car cela revient à dire ouvertement je suis juif. Les jeunes, surtout, l'ont intégré dans leur façon de penser. 
Certains ne portent plus de casquette pour ne pas être identifiés comme juifs. Ils sont formatés par la culture Internet, ils savent la violence immédiate des mots. 
Dans ma génération, cela n'existait pas. Je ne vivais pourtant pas dans des quartiers huppés de Paris, mais en banlieue : Meaux, Choisy-le-Roi, Orly-Ville, Grigny, c'était derrière chez moi !

Nombre d'actes antisémites se produisent dans l'enceinte des écoles…
Dans un livre publié en 2017 (NDLR : « Principal de collège ou imam de la République ? », éditions Kero), Bernard Ravet, ancien proviseur de collège à Marseille, rapportait qu'il avait dû dire à un élève juif, rentré d'Israël : ne viens pas dans cet établissement scolaire car c'est trop dangereux, on va te trouver un autre endroit. 
C'est un constat d'échec tragique ! 
Mais le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a toujours montré sa fermeté dans l'action en la matière.

Cette étude montre une prise de conscience dans la population. A quoi l'attribuez-vous ?
Parce qu'on ose en parler aujourd'hui. Dans les années 2000, lors de la seconde Intifada par exemple, il y avait une pudeur à dire les choses, on les minorait. Désormais, les Français ont pris conscience que ce qui nous arrive est un indice du mal-être de la société. 
Après les attentats commis à Toulouse par Mohammed Merah, après Charlie Hebdo, après l'Hyper Cacher, on n'avait pas décrété l'état d'urgence. On se disait que c'étaient des soldats, des journalistes, des juifs. 
Il a fallu, avec le Bataclan, que chacun se rende compte que tout le monde peut être une cible pour que l'état d'urgence soit mis en place. C'est sans aucun doute en étant unis que l'on pourra faire face.

Quel est le prochain combat, à vos yeux ?
Beaucoup a été fait, mais on a toujours une guerre de retard. Internet est un déversoir de haine sans limite, qui frappe d'abord les plus jeunes. Il faut un dispositif législatif. 
Regardez l'Allemagne : elle a fait le ménage en sanctionnant lourdement les hébergeurs. L'antisémitisme est un virus, il mute. La façon de lutter contre cette haine doit muter aussi.


Méthodologie : étude réalisée par l’Ifop pour la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et l’American Jewish Committee (AJC). 
Menée auprès d’un échantillon de 505 Français se déclarant de confession juive ou ayant au moins un parent de confession ou de culture juive, extrait d’un cumul d’échantillons représentatifs de 33 670 personnes. 
Interviews réalisées en ligne et en face-à-face du 14 octobre au 19 novembre 2019.  

Source Le Parisien
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