jeudi 27 juin 2019

Eva Illouz : « Les marchandises émotionnelles »


Eva Illouz est une sociologue et universitaire Israélienne. Elle est directrice d’étude à l’EHESS depuis 2015. Dans cet ouvrage collectif, elle étudie l’interpénétration entre nos émotions et le capitalisme néolibéral. Elle décrit les « émodities qui sont des objets et des expériences à la fois affectifs et marchands »........Détails..........



La marchandisation des émotions et des sentiments : voilà la thèse centrale de ce livre. Les comportements individuels sont commandés à la fois par la rationalité économique et par l’intensification émotionnelle. Cette thèse est illustrée par plusieurs exemples issus de la vie quotidienne et de la pratique de la psychologie. 
Le tourisme au club méditerranée est le premier exemple choisi d’expérience émotionnelle. 
L’objectif du club est de vendre du bonheur et de la relaxation par opposition au stress de la vie quotidienne. Pour obtenir cette détente il faut un dépaysement, le recours à la nature même si elle est artificielle, effacer les différences sociale et célébrer l’individu. La musique a toujours été une source d’émotions. L’industrie de la musique et les nouvelles technologies ont modifié l’écoute musicale. 
Celle-ci qui est devenue surtout émotionnelle permet de moduler le psychisme des individus .Les « playslists » très personnalisées peuvent avoir un effet thérapeutique. 
La musique est bien à la fois une marchandise économiquement importante et un objet affectif répondant ainsi à la définition de l’émodity. Le cinéma et en particulier le film d’horreur est un exemple frappant de fusion entre la rationalité économique et l’intensification émotionnelle. 
Autre exemple, les cartes sexuelles sont à Tel Aviv une publicité à peine déguisée pour la prostitution mais elles contribuent à l’image de la ville qui est elle-même devenue une émodity.
Les cartes de vœux ont pour fonction de faciliter la communication interpersonnelle. Leur valeur est liée « au travail » entrepris par l’acheteur pour la choisir et l’écrire.
Le chapitre consacré à la psychothérapie s’attache au déclin de la psychanalyse et au développement des psychothérapies cognitives et comportementales. Avec ces dernières les émotions doivent devenir gérables et il existe un objectif de transformation émotionnelle. 
Le coaching est à la rencontre de la psychologie positive et du monde de l’entreprise. Il a pour objectif une régulation émotionnelle et réalise la fusion entre le répertoire économique et la gratification individuelle .La recherche du bonheur est considérée comme un objectif ultime et universel, légitimant l’individualisme de la société néolibérale.
Eva Illouz a réalisé un travail collectif de sociologie avec une analyse théorique et des enquêtes précises sur le terrain. Les sources sont citées et les références biographiques nombreuses. Cet ouvrage exigeant nécessite une lecture attentive.
Les marchandises émotionnelles doivent être coproduites par le producteur et le consommateur. Elles valorisent ainsi l’individu et façonnent peu à peu son identité et son authenticité émotionnelle. 
La psychologie et le coaching tendent à définir une morale basée sur l’utilitarisme émotionnel et non sur l’éthique. Cet ouvrage doit permettre au lecteur d’avoir une lucidité accrue face au consumérisme actuel et au « capitalisme émotionnel ». 
A la fin du livre Eva Illouz cite la phrase de Spinoza : « on ne juge que ce l’on ne comprend pas ». Cet ouvrage s’inscrit dans une démarche » spinozienne : il s’est attaché à décrire la longue chaine de causalité qui est à l’origine de notre authenticité émotionnelle.

Eva Illouz, les marchandises émotionnelles, éditions Premier Parallèle, 418 pages, 24 Euros, sortie en Janvier 2019.

Source Toute la Culture
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