mardi 2 avril 2019

"Netanyahu a effacé les lignes entre la religion et la politique"


Journaliste au grand quotidien de centre gauche Haaretz et correspondant en Israël de l'hebdomadaire britannique The Economist, Anshel Pfeffer couvre la politique israélienne depuis près de vingt ans. Il a suivi l'ascension vertigineuse du chef du Likoud jusqu'à écrire sa biographie, encensée par la critique comme un modèle du genre........Analyse........



"Il aura été le Premier ministre engrangeant le plus de succès électoraux, mais avec un parti qui diminue en influence à chaque scrutin", raconte-t-il.

Benyamin Netanyahou pourrait bien remporter l'élection du 9 avril prochain. Pourtant, son parti n'a jamais été aussi faible.....
C'est vrai qu'en vingt-cinq ans le Likoud a perdu beaucoup de ses forces, mais on pourrait en dire autant du Parti travailliste. 
Il fut un temps où, à eux deux, ces partis représentaient les deux tiers des voix des électeurs israéliens. 
C'est donc un paradoxe pour ­Netanyahou. Il aura été le Premier ministre engrangeant le plus de succès électoraux, mais avec un parti qui diminue en influence à chaque scrutin. 
Tout tient à sa capacité à s'allier avec des petits partis dont la base est de plus en plus extrémiste.

Diriez-vous qu'il a changé son discours et ses actes en fonction de ses alliés d'extrême droite?
Son ton est devenu de plus en plus hostile à l'establishment, aux institutions comme la Cour suprême, aux médias. En fait, il est devenu bien plus populiste qu'à ses débuts.

Dans votre livre, vous insistez longuement sur l'influence qu'a eue son père, un proche de Zeev Jabotinsky, l'idéologue de la droite dure sioniste…
Netanyahou a longtemps prétendu que son père, Benzion, était le bras droit de Jabotinsky alors qu'il n'était qu'un assistant très secondaire. 
Mais Netanyahou revendique l'héritage intellectuel de Jabotinsky, idéologue du Grand Israël, et de Menahem Begin, le premier chef de gouvernement de droite en Israël, lui-même ancien patron de l'Irgoun, cette organisation armée sioniste qui luttait pour la libération de la Palestine sous mandat britannique.

Beaucoup accusent Netanyahou d'avoir pactisé avec les ultrareligieux pour une politique dite messianique, ce qui ne laisse entrevoir aucune paix possible avec les Palestiniens…
Netanyahou, en tout cas, est tout sauf un religieux. Il est laïque, et je crois même qu'il est presque athée. 
Il parle sans cesse de religion parce qu'il pense que le judaïsme est devenu une nationalité, d'où sa réforme qui fait d'Israël un État juif avant toute autre chose. Bref, il a effacé les lignes entre religion et politique. Pour ses partisans, c'est de la grande politique!

S'il se maintient au pouvoir, Netanyahou aura gouverné Israël plus longtemps que Ben Gourion, le fondateur de l'État. Qu'ont-ils de comparable?
Tout dépend de ce que l'on entend par "homme d'État". Netanyahou a réussi à faire de la Palestine un dossier mineur, à davantage protéger Israël tout en rendant son pays plus prospère, à marginaliser une gauche qui pensait impossible de payer pour la sécurité sans dommages sociaux et sans qu'Israël finisse isolé sur le plan diplomatique. 
Au contraire, il est respecté par les grands de ce monde que sont Trump, Poutine et Xi ou même Bolsonaro, qui sera en Israël la semaine prochaine, sans compter les leaders populistes de droite qui prospèrent en Europe, comme en Hongrie ou en Pologne.

Mais n'a-t‑il pas obtenu ces résultats par une politique court-termiste qui empêche toute stratégie à long terme, une vision de ce que sera Israël dans vingt ou trente ans?
Je ne peux pas prédire l'avenir et personne ne sait ce qu'il adviendra de nos 5 millions de voisins Palestiniens privés de leur droit à avoir un État. 
Mais des trois leaders de la droite israélienne – Begin, Sharon et lui –, il est celui qui aura fait pencher sa famille politique vers l'ultranationalisme et l'extrémisme populiste. Pour combien de temps? 
Ceux qui l'ont combattu au sein de son parti, le Likoud, en contestant cette dérive ont fini par jeter l'éponge.

Begin a fini par faire la paix avec l'Égypte et Sharon par quitter Gaza. Netanyahou, lui, n'a pas ce bilan en faveur de la paix…
Pour lui, la paix, c'est celle des ­vaincus. C'est la paix par la dissuasion qui permet à Israël de ne faire aucune concession. Il pense que c'est plus intelligent de dialoguer avec les autres États arabes, notamment dans le Golfe, et de faire patienter le dossier palestinien. 
C'est assez habile de sa part d'avoir anticipé que le dossier du nucléaire iranien lui permettrait de se rapprocher à bon compte de pays sunnites comme l'Arabie saoudite et de partager avec eux un même sentiment de menace. Même chose en ce qui concerne le terrorisme. 
À l'heure de Daech et du djihadisme, la cause palestinienne peut apparaître secondaire. C'est ce qu'il a réussi à imposer non seulement à la plupart des pays arabes, mais aussi aux Occidentaux. 

Source Le Journal du dimanche
Vous nous aimez, prouvez-le....


Suivez-nous sur FaceBook ici:
Suivez nous sur Facebook... 
Sommaire
 Vous avez un business ?