mardi 6 novembre 2018

Israël et les pays arabes du Golfe : une révolution diplomatique


Unis par leur crainte de l'Iran, les dirigeants israéliens et arabes sunnites affichent désormais sans complexe leur proximité.......Analyse........



Il aura fallu attendre un mois pour obtenir une réponse officielle israélienne. Vendredi 2 novembre dernier, soit un mois jour pour jour après l'assassinat de Jamal Khashoggi, Benjamin Netanyahu a enfin réagi à l'effroyable meurtre du journaliste saoudien qui a ému le monde entier. 
« Ce qui s'est passé au consulat à Istanbul est horrible et il faut dûment s'en occuper », a déclaré le Premier ministre israélien lors d'une conférence de presse en Bulgarie. 
Et d'ajouter : « Cependant (...), il est très important pour la stabilité du monde, pour la région et pour le monde que l'Arabie saoudite reste stable. Je pense qu'il faut trouver un moyen d'atteindre ces deux objectifs, car le plus grand problème est l'Iran. »
Le message est clair. Benjamin Netanyahu ne souhaite pas que le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, dit MBS, soupçonné d'avoir commandité l'assassinat, soit poussé vers la sortie. 
À en croire le Washington Post , le journal auquel collaborait Jamal Khashoggi, le Premier ministre israélien aurait transmis le message auprès de l'administration Trump, en compagnie du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, arguant que MBS est pour lui un partenaire stratégique au Moyen-Orient.

« Pas de relation diplomatique officielle »

Cet épisode douloureux traduit l'inexorable rapprochement au cours de ces dernières années entre Israël et l'Arabie saoudite, unis dans leur lutte contre la République islamique d'Iran.
« Ces dernières années, à cause de la menace iranienne, il y a une convergence claire des intérêts entre nos pays pour affronter ce défi. Car l'ennemi qui menace la région, ces pays, ainsi qu'Israël, c'est l'Iran », confirmait au Point, il y a moins d'un mois, Aliza Bin-Noun, ambassadrice d'Israël en France, non sans ajouter : « Il est nécessaire de rappeler qu'il n'y a pas de relation diplomatique entre Israël et les pays du Golfe.»
Mais la nouveauté est que ces derniers ne se cachent plus pour l'afficher. Fait rare, les propos de Benjamin Netanyahu sur Jamal Khashoggi ont été salués par le royaume Bahreïn, voisin et allié de Riyad, qu'il soutient corps et âme dans cette affaire. 
« En dépit des différends existants, la position du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est claire en ce qui concerne l'importance de la stabilité de la région et le rôle du royaume saoudien dans le maintien de cette stabilité », a tweeté le ministre bahreïnien des Affaires étrangères, Khaled ben Ahmed Al-Khalifa.

« Un moment historique » à Oman (Netanyahu)

Si le meurtre effroyable du journaliste saoudien et l'indignation internationale qu'il a suscitée ont paru embarrasser les dirigeants israéliens, voyant l'un des maillons de l'axe anti-iranien Washington-Tel-Aviv-Riyad-Abu Dhabi mis à l'épreuve, ils réalisent depuis un mois une formidable opération de communication illustrant à merveille leur rapprochement avec les pays arabes du Golfe. 
« Une visite spéciale à Oman, un moment historique », a tweeté le 26 octobre Benjamin Netanyahu, avec une photo le montrant arrivant, en compagnie de sa femme Sara, au palais du sultan Qabus d'Oman, première visite à ce niveau depuis vingt-deux ans, avant que le sultanat ne ferme la représentation commerciale israélienne dans son pays après le déclenchement de la seconde intifada en 2000.
Au sein de la délégation israélienne étaient présents le directeur du Mossad Yossi Cohen, le conseiller à la sécurité nationale Meir Ben-Shabbat, ainsi que Yuval Rotem, le directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères (qui n'a pas de ministre dans ce gouvernement, NDLR). 
Cette « importante visite démontre une entente profonde et une coopération grandissante entre Israël et des partenaires régionaux », s'est d'ailleurs félicité ce dernier sur Twitter. 
Ce coup médiatico-diplomatique a été rendu public vendredi après-midi, au retour de la délégation israélienne d'Oman. Et a sonné le début d'un week-end de rêve pour la diplomatie israélienne.
Au même moment, la ministre israélienne de la Culture et des Sports se trouvait à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis, pour accompagner l'équipe nationale de judo, qui participait pour la première fois au Grand Chelem d'Abu Dhabi sous les couleurs d'Israël (elle portait auparavant des kimonos « neutres », NDLR). 
Vêtue d'une abaya rouge et portant un voile blanc, Miri Regev en a profité dimanche pour visiter la splendide mosquée Cheikh Zayed. C'est la « première visite d'un ministre israélien » aux Émirats arabes unis, s'est réjouie Miri Regev en postant la photo sur sa page Facebook. 
Et, le soir même, la ministre n'a pas pu retenir ses larmes lorsqu'a retenti l'hymne national israélien lors de la remise de la médaille d'or au judoka israélien Sagi Muki, dans la catégorie des moins de 81 kilos. Une première dans un pays arabe du Golfe.

 Vernissage et exposition Beni Gassenbauer

Depuis, le tabou israélien dans le Golfe semble s'être brisé. Et les visites d'officiels de l'État hébreu en pays arabes se multiplient. 
Le 30 octobre, le ministre israélien des Communications, Ayoub Kara, membre de la communauté druze (et du Likoud, NDLR), a participé à Dubaï à une conférence internationale sur les télécommunications, à l'invitation de son homologue émirien, durant laquelle il a plaidé, en arabe, pour « la paix et la sécurité, accompagnées de progrès économiques et scientifiques ». 
Cette semaine, le ministre israélien des Transports Israël Katz doit se rendre à Oman pour participer à une conférence internationale sur les transports, où il doit notamment promouvoir la liaison ferroviaire entre Haïfa et le Golfe.

Opinion publique hostile

Jusqu'ici, l'État d'Israël n'est officiellement reconnu que par l'Égypte, avec laquelle il a signé un traité de paix en 1979, et la Jordanie, depuis 1994. Pour les autres pays, notamment ceux du Golfe, toute reconnaissance de l'État hébreu était jusqu'ici soumise à un règlement préalable du conflit israélo-palestinien. 
En 2002, l'Arabie saoudite a soumis une initiative selon laquelle les États arabes se disaient prêts à nouer des relations diplomatiques avec Israël en échange d'un État palestinien dans les frontières de 1967.
Or, avec le renforcement de l'Iran (chiite) dans la région, en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban, qui inquiète autant l'État hébreu que les monarchies sunnites, les priorités semblent avoir changé. 
Ainsi, à l'occasion d'une conférence sur la sécurité fin octobre à Bahreïn, le ministre omanais des Affaires étrangères, Youssef ben Alaoui ben Abdallah, a estimé qu'il était « peut-être temps pour Israël d'être traité de la même manière et d'avoir les mêmes obligations que les autres nations » du Moyen-Orient. Reste à savoir si ces pays arabes seront capables de convaincre leur opinion publique de la légitimité de ce revirement diplomatique, alors qu'ils la mobilisent depuis des décennies contre l'État hébreu pour mieux justifier leur gouvernance autoritaire.

Et l'État palestinien  ?

Pour Israël, ce rapprochement avec le Golfe est une véritable aubaine lui permettant de sortir de son isolement régional, de renforcer son front contre l'Iran et de repousser d'autant plus tout hypothétique État palestinien.
« Nous avons toujours cru que nous ouvririons les portes de la paix avec le monde arabe au sens large si nous résolvions le problème palestinien », a d'ailleurs admis Benjamin Netanyahu le 1er novembre dernier, la veille de la révélation de sa visite à Oman. 
Mais il est « peut-être plus vrai que, si vous vous ouvrez au monde arabe et que vous normalisez vos relations avec eux, cela finira par ouvrir la porte à la réconciliation et à la paix avec les Palestiniens ».
Un avis qu'est loin de partager Mohammed Chtayyeh, membre du comité central du Fatah, le parti du président palestinien Mahmoud Abbas. 
Réagissant à la rencontre historique entre Benjamin Netanyahu et le sultan Qabus d'Oman, ce haut responsable palestinien a déploré dans un communiqué le rapprochement opéré par Israël et les pays arabes du Golfe. 
Et de souligner : « C'est le début de la normalisation publique et la fin de l'initiative de paix arabe. »

Source Le Point
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