jeudi 29 novembre 2018

A Djerba, les juifs ont «leur» ministre mais restent aux aguets....


La Tunisie compte un ministre juif pour la première fois depuis 1956. Un événement salué par la communauté juive à Djerba mais qui ne constitue pas une victoire en soi. Les difficultés économiques sont perçues comme une menace plus importante que la discrimination politique......Analyse.......



C’est Abdou Derza, le commis musulman, qui dégaine le premier. A l’évocation de René Trabelsi, premier ministre de confession juive en Tunisie depuis 1956, il sort son portable pour montrer la photo officielle du nouveau chargé du tourisme qu’il a liké: «Trabelsi est très bien. C’est un vrai professionnel du tourisme. Il va faire venir des gens du monde entier à Djerba. Il est déjà venu plusieurs fois ici.»
Ici? Chez Manau, l’un des restaurateurs de Hara Kebira, le quartier juif historique au sud-est de Houmt Souk, la principale ville de l’île de Djerba, au sud de la Tunisie. 
Kippa sur la tête, Manau Hadad est fier de cette nomination mais, à cet instant, il préfère vérifier la température de son huile pour la friture de ses bricks œuf, purée, câpres, harissa. Le soir va tomber et les clients ne vont pas tarder à arriver.

Une communauté bien vivante

Les quelque 1300 Tunisiens juifs – sur environ 2000 dans le pays – de Hara Kebira se réjouissent davantage de la prochaine bar-mitsvah prévue le lendemain ou des projets de mariage, preuve que la communauté est bien vivante. 
Et cette annonce n’a pas totalement surpris. En 2014, après les premières élections présidentielle et législatives libres du pays, il avait déjà été question de nommer René Trabelsi. 
Cette fois, ce gérant d’une agence de voyages originaire de Djerba a bien été cité par le premier ministre et il a passé, le 12 novembre, le vote de confiance des députés malgré des réticences. 
A l’assemblée, l’élu indépendant Yassine Ayari s’est emporté contre le premier ministre, Youssef Chahed: «Vous nous ramenez un ministre nul, connu pour son appartenance sioniste. Vous n’avez qu’à changer sur le drapeau tunisien l’étoile rouge par l’étoile de David.»

«Nous sommes tous Tunisiens»

A Hara Kebira, la saillie fait hausser les épaules des concernés et ce sont les musulmans qui se montrent les plus offensés: «Nous sommes tous Tunisiens, tous Djerbiens. 
On ne s’occupe pas de politique et la religion, ça concerne chacun», résume Hamdi, cuisinier venu aider un ami juif. Une défense qui ne vaut pas blanc-seing. 
Le ministre est attendu au tournant. «Il doit travailler très dur pour amplifier le retour des touristes dans le pays, prévient Youssef Wazan, représentant local de la communauté juive. Il en est capable. Il connaît le secteur. René Trabelsi doit réussir pour améliorer le tourisme [qui représentait avant la révolution 7% du PIB].»

Vous aimez les belles choses ? Cliquez sur la bannière ci-dessous....
À ne pas rater !

Pour les juifs ou les musulmans, pour les Djerbiens ou les continentaux, la crise économique est le premier fléau en Tunisie. Au cœur du marché traditionnel de Houmt Souk, les bijoutiers, principalement des juifs, s’inquiètent de la dévaluation continue du dinar face à l’or.
Certains évoquent une baisse d’activité de plus de 50%, au point d’envisager un départ. 
Mais, contrairement aux harragas, ces «brûleurs» de frontière qui arrivent clandestinement en Europe, les juifs ont un autre but: Israël.

Exode minoritaire

Casquette à l’envers, Gadi, 30 ans, s’y voit déjà: 
«Là-bas, c’est mieux que l’Europe. C’est très cher mais tous les Djerbiens qui sont partis en 2011 et 2012, quand ils ont eu peur que la Tunisie ne devienne comme l’Irak, ont réussi. Ils sont propriétaires d'une maison à plusieurs millions de dinars. Je suis en contact avec eux. Si j’ai une opportunité de travail, je pars. Ça peut être demain ou dans cinq ans.» 
Le jeune père de famille espère aussi une vie sociale plus dynamique dans une grande ville et sans barrières culturelles: «Nous n’avons aucun problème avec les musulmans, mais nous ne sommes pas non plus très proches. Nous vivons côte à côte.»
Ce désir d’exode demeure minoritaire. Responsables religieux et sociaux veillent à ce qu’il le reste. 
Pour cela, la vie quotidienne est très encadrée. Dès 7h, les hommes se rendent dans l’une des 12 synagogues du quartier. 
Grâce à une dérogation, les enfants juifs de Djerba ont une scolarité partagée entre école publique tunisienne et école hébraïque. 
Il en existe quatre dans Hara Kebira – deux pour les garçons, deux pour les filles – financées par la communauté.

«Nous sommes très bien protégés»

Généralement, les garçons arrêtent leurs études au niveau bac pour aider puis reprendre l’activité de leur père afin de se marier au plus vite. Les femmes restent à la maison ou travaillent dans Hara Kebira. Les unions se contractent exclusivement au sein de la communauté. 
Un entre-soi qui renforce la solidarité mais aussi le conservatisme religieux. «Je n’ai jamais envisagé de partir en Israël car j’ai des enfants et là-bas, l’éducation n’est pas aussi stricte. Ici, je suis sûr que garçons et filles sont séparés à l’école, que tout le monde respecte shabbat. C’est très important», raconte Yaniv Bittan, bijoutier et fils du grand rabbin, Haïm Bittan.
Surveillant les écoliers en pleine partie de billes devant l’établissement hébraïque, Youssef Wazan voit l’avenir avec optimisme. «Nous avons une dizaine de naissances par an, la communauté s’agrandit. Les jeunes sont notre force. 
A Tunis, les juifs sont tous âgés et moins religieux. Et puis, niveau sécurité, nous sommes très bien protégés», explique le responsable en montrant au loin des policiers autour d’un véhicule grillagé chargés de surveiller les entrées du quartier.

Source Le Temps
Vous nous aimez, prouvez-le....


Suivez-nous sur FaceBook ici:
Suivez nous sur Facebook... 
Sommaire
 Vous avez un business ?