mardi 12 juin 2018

L’épineuse question de l’art spolié


Il ne se passe pas une semaine sans qu’une demande de restitution d’œuvres d’art spoliées durant la Seconde Guerre mondiale ne fasse la une des médias......Analyse.......


Ces derniers temps, il est question du tableau d’Alfred Sisley Premier jour de printemps à Moret, saisi en novembre 2017 du coffre bancaire détenu par Alain Dreyfus, un marchand d’art bâlois qui n’est pas au bout de ses tribulations. Celui-ci l’avait acheté pour 338 500 dollars auprès d’une maison de vente aux enchères internationale à New York en 2008 et présenté ensuite dans le catalogue de vente de sa galerie espérant réaliser un joli bénéfice.
Or, ce n’est pas un acquéreur potentiel qui s’est manifesté, mais les héritiers du bijoutier et collectionneur d’art juif Alfred Lindon.
Celui-ci avait émigré de Paris aux Etats-Unis en 1939 et confié sa collection d’art à la filiale parisienne de la banque Chase Manhattan.
Lorsque la Wehrmacht allemande envahit Paris, la collection d’art a été saisie pour être transmise à l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, la section du régime en charge des confiscations des œuvres d’art appartenant à des juifs.

Protection légale de la bonne foi

En Suisse, la situation des œuvres d’art spoliées est ambivalente. D’une part, le droit suisse protège l’acquéreur de bonne foi, même si le propriétaire d’origine s’en trouve dessaisi contre sa volonté.
Encore faut-il établir que l’acquéreur avait procédé à toutes les vérifications et investigations auxquelles on s’attendait de sa part compte tenu des circonstances concrètes du cas d’espèce. En revanche, un acquéreur qualifié comme étant de mauvaise foi peut en tout temps être contraint de restituer l’œuvre d’art à l’ayant droit.
Ces exigences seront plus élevées vis-à-vis d’un collectionneur affûté que pour les novices.
Le droit suisse, contrairement à d’autres pays européens, n’a pas instauré de régime légal particulier depuis la chute du Mur en faveur des familles spoliées leur permettant d’outrepasser les règles ordinaires et d’obtenir la restitution d’œuvres d’art détenues dans les collections étatiques. Plusieurs motions parlementaires dans ce sens n’ont pas abouti.

Solutions justes et équitables

D’autre part, la Suisse est signataire des Principes de Washington de 1998, dont on célèbre cette année les 20 ans d’existence.
Des principes certes non contraignants, qui prévoient notamment d’identifier les œuvres d’art pillées par les nazis et non restituées à ce jour, de rendre accessibles aux chercheurs les archives et tout document pertinent, d’encourager les héritiers de victimes à annoncer leurs prétentions relatives à des œuvres spoliées, enfin de trouver une solution juste et équitable en dehors des tribunaux en tenant compte des circonstances du cas d’espèce. La Suisse a réaffirmé son adhésion à ces principes dans le cadre de conférences et déclarations subséquentes.
D’un point de vue purement pragmatique, une œuvre d’art spoliée est en principe invendable aux enchères en raison des vérifications scrupuleuses sur sa provenance opérées par les maisons de vente.
Si une spoliation est avérée, la maison de vente contacte les héritiers concernés.
Elle ne procédera pas à la vente sans qu’un accord entre les parties ou une décision judiciaire règle le sort de l’œuvre. Ces accords aboutissent généralement à une répartition du prix de vente entre les parties intéressées. En outre, certaines foires, telle la TEFAF à Maastricht, procèdent également à un vetting des œuvres exposées dans l’objectif d’exclure des œuvres spoliées ou volées.
A la lumière de ces objectifs de due diligence, l’affaire du tableau de Sisley surprend.
Interrogée, la maison de vente aux enchères explique que la provenance problématique n’était pas connue au moment de la vente.
Comme dans de nombreux cas, l’acquéreur de bonne foi se trouve alors corseté par son droit de propriété légitime et le respect des valeurs éthiques, d’où l’importance d’un contrôle diligent avant toute acquisition.

Source Le Temps
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