lundi 27 février 2017

La dhimmitude, ou le sort des non musulmans en terre islamique

 

En recourant à l’allégorie de la Caverne dans La République (Livre VII), PLATON nous invite à ne pas nous laisser berner par l’apparence mais, au contraire, à recourir à la lumière de la connaissance pour découvrir la vérité. Notre époque semble avoir oublié cet enseignement et se contenter de la répétition convenue de discours unanimistes pour conclure à leur vérité, sans chercher à savoir quelle est la réalité......



Celle-ci est pourtant incontournable, et il est indispensable de la connaître si l’on ne veut pas se retrouver dans des impasses dont l’Histoire nous a appris qu’elles débouchaient sur des malentendus conduisant à la guerre.
Tel est actuellement le cas avec l’irruption brutale et sanguinaire de l’islamisme dans nos sociétés occidentales.

Au nom du souci – légitime – de ne pas stigmatiser la communauté musulmane, on répète à l’envi qu’il ne faut pas avoir peur de l’Islam car c’est une « religion de tolérance ».

« Tolérance de l’Islam » ?

Poser la question, c’est aujourd’hui s’attirer les foudres de la bien-pensance : l’Islam est une religion de tolérance » et « honni soit qui mal y pense ». Tant pis, je pose quand même la question : à la bienséance obligée, j’ai toujours préféré la vérité, quel que soit le prix à payer ; après tout, en hébreu, le mot « Emeth אמת » (la vérité) n’a-t-il pas la même racine que « Meth מת » (la mort) ?
Et, tout d’abord, la « tolérance » est-elle cette vertu cardinale dont certains, de nos jours, vantent sans cesse les bienfaits ? Voire.
Car, du Traité de la Tolérance de VOLTAIRE aux « maisons de tolérance » fermées sous l’impulsion de Marthe RICHARD parce qu’elles étaient des lieux d’esclavage sexuel, la signification du terme a bien évolué, et seuls les naïfs ou les niais pensent que celui-ci renvoie nécessairement à un respect des différences.
Alors, que signifie-t-il donc ce mot quasi-magique de « tolérance » quand on l’accole à « Islam » ?
« Tolérer » celui qui n’adhère pas à l’Islam, est-ce le respecter ? La réponse se trouve dans le Coran (et ses commentaires), et dans le sort fait, depuis la naissance de l’Islam puis son expansion géographique, aux indigènes non musulmans des pays conquis et devenus islamiques, ceux que l’Islam appellent les « dhimmis ».
L’objet de la présente étude est précisément le statut de ces populations, la « dhimmitude ».

Deux observations préliminaires

1.En premier lieu, le terme de « dhimmitude» est un néologisme construit à partir du terme de « dhimmi », lequel est lui-même issu du mot arabe de « dhimma » (protection).
Si c’est l’écrivain BAT YE’OR qui a forgé ce concept, elle attribue cependant au Président libanais maronite Béchir GEMAYEL d’avoir été le premier à utiliser le mot dans son dernier discours précédant son assassinat (le 14 septembre 1982, en même temps que plusieurs membres de sa famille) : source
2.Ensuite, l’Islam distingue les « païens » des autres non-musulmans.

Les religions païennes
Les adeptes des religions « païennes » (yézidisme, bahaïsme, hindouisme, bouddhisme,sikhisme, animisme, etc.) ne bénéficient d’aucune reconnaissance par l’Islam et d’aucun droit dans les pays régis par la Charia (loi  islamique) : ils doivent donc soit se convertir à l’Islam, soit quitter le pays, faute de quoi ils sont tués ou réduits en esclavage avec confiscation de leurs biens.

C’est ce qui s’est récemment passé pour les Yézidis lors de la conquête par le califat de l’Etat Islamique, en 2014, de Mossoul et de la plaine de Ninive en Irak.
Les autres non-musulmans
 Les autres, ce sont les « gens du Livre », c’est-à-dire les Juifs et les Chrétiens, mais aussi les zoroastriens et les sabéens. Comme les païens, ils sont soumis à trois possibilités :
•la conversion à l’Islam ;
•l’épée, c’est-à-dire la lutte armée, avec pour conséquence la mort ou l’esclavage ;
•un statut spécial, celui de « dhimmis ».

Pour comprendre l’existence de la dhimmitude, il faut rappeler que l’Islam est une orthopraxie, c’est-à-dire que la religion, l’État et la société forment un tout. En conséquence, dans un pays où la majorité de la population est musulmane, ou dans un pays conquis par l’Islam, celui-ci doit être reconnu comme religion officielle, conformément au hadith : « L’Islam domine et ne saurait être dominé ».
Dès lors, la situation des populations non musulmanes, notamment dans les pays conquis, ou dar – el – Islam, (car la dhimmitude est liée au Jihad, c’est-à-dire à la guerre sainte des musulmans afin de défendre l’Islam ou de convertir les vaincus) ne saurait être identique à celle des musulmans.
Populations conquises : similitude entre Église grecque et Islam
A y regarder de près, il faut observer que « c’est dans l’Église grecque qu’il faut rechercher l’origine de la dhimma : c’est elle qui élabore très tôt un système légal de persécutions et d’avilissement, depuis le Code Théodose (438) jusqu’au Code Justinien (534). […]

L’islam retourne contre le christianisme oriental l’outil que celui-ci avait élaboré pour persécuter les Juifs. Nombre de lois sont semblables dans les deux législations, mais l’islam y ajoute la djizya, l’impôt individuel, qui est une forme de rançon en échange du droit de vivre » (Georges BENSOUSSAN, Juifs en pays arabes – Le grand déracinement, 1850-1975, Ed. Tallandier, 2012, p. 49).

La dhimmitude, un concept juridique aux fondements théologiques

Deux versets du Coran fondent l’inégalité entre musulmans et non-musulmans entendus au sens de « gens du Livre » (ainsi que, comme indiqué ci-dessus, les zoroastriens et les sabéens) :
•« C’est Lui [Dieu] qui a envoyé son Prophète et la religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion» (9, 33)
•« Vous [les musulmans] êtes la meilleure des communautés suscitées parmi les hommes : vous ordonnez ce qui est convenable, vous interdisez ce qui est blâmable» (3, 110).

La Charte (ou Pacte) d’Omar a codifié la dhimmitude
 Cette charte serait due au calife Omar Ier (634-644), et, curieusement, se présente sous la forme d’une lettre qui aurait été adressée à ce calife par les chrétiens de Syrie et d’Égypte, après la conquête islamique de ces pays. Débutant ainsi :
« Lorsque vous l’avez emporté sur nous, nous vous avons demandé la sécurité pour nous, pour nos descendants, pour nos biens et pour les membres de notre communauté et nous nous sommes engagés : […] », elle énumère ensuite une véritable litanie d’obligations et d’interdictions qui sont autant de marques de sujétion en échange de la protection sollicitée. Elle se termine par la reconnaissance de la précarité de cette protection : « Nous nous sommes imposé cela à nous-mêmes et nous l’avons imposé à notre communauté, en vertu de quoi nous bénéficions de la sécurité.

Et si nous ne respectons pas les engagements que nous et les nôtres avons pris envers vous, vous n’aurez aucune obligation de nous protéger et vous serez habilités à vous comporter à notre égard comme on a le droit de se comporter envers autrui, rebelles et dissidents de la société islamique » (Texte complet de la Charte d’Omar in Georges BENSOUSSAN, op. cit., pp. 47-48).
Même si ce texte est considéré par certains historiens et analystes comme apocryphe et n’ayant pas existé au VIIème siècle, il révèle « une politique de domination imposée aux peuples du Livre, dessinant une stricte limite entre dominants et dominés » et « on y relève trois éléments qui fondent la pratique quotidienne de l’Islam » (ibid. et p.49), à savoir :
•la supériorité de l’Islam,
•le respect que le dhimmi doit au musulman,
•et la séparation entre dhimmis et musulmans.

Bien entendu, le dhimmi ne se voit reconnaître aucun droit politique et, à de rares exceptions près, ne peut exercer aucune fonction politique ou administrative.
Moyennant l’observance de nombreuses marques de sujétion, les Juifs comme les Chrétiens bénéficient de la dhimma – terme signifiant soumission – c’est-à-dire de la protection que l’Islam accorde, sous conditions, aux « gens du Livre ».
Mais qui dit protection dit menace, et cette menace ne peut, en l’occurrence, provenir que de la population musulmane – laquelle est donc mue par une « hostilité latente » à l’encontre des juifs et des chrétiens (Professeur Jacques ELLUL, Préface de mai 1983 au livre intitulé « Le dhimmi » de BAT YE’OR).
Plus grave encore, cette protection ne résulte pas d’un contrat, mais d’un statut spécifique concédé par l’Islam.
Or, ce qui est concédé est révocable, et le contenu même de ce statut est susceptible de varier dans le temps et dans l’espace – conformément, du reste, à la sourate précitée (3, 110) qui confie aux seuls musulmans le soin de décider de ce qui est autorisé ou interdit.
Loin d’être une protection au sens de la reconnaissance indiscutable d’un certain nombre de droits au non-musulman en tant qu’être humain, la dhimma, « charte octroyée » selon l’expression du Pr ELLUL (préc.) est, en réalité, une protection-soumission.

La dhimmitude, une protection-soumission

Dans son versant de soumission, la dhimmitude a un « noyau dur » entouré de modalités variables dans le temps et l’espace.
Sous l’angle de la protection censée être accordée aux dhimmis, elle a également varié en intensité, allant jusqu’à sa révocation pure et simple permettant la mise à mort des dhimmis.
a/ Le contenu de la dhimmitude en tant que soumission
C’est dans deux versets du Coran que l’on trouve, bien avant la Charte d’Omar et ses précisions, les sujétions auxquelles les dhimmis sont impérativement soumis. Ces versets, qui appartiennent à ceux prônant le jihad, sont relatifs à la jizya (ou djizya), le tribut qui doit être payé au pouvoir  islamique :

« Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au jour dernier ; ceux qui n’interdisent pas ce que Dieu et son Prophète ont interdit ; ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les jusqu’à ce qu’ils paient directement le tribut (jizya) après s’être humiliés» (9, 29).

Et : « Une fois écoulés les mois interdits, tuez les associateurs où que vous les trouviez, prenez-les, assiégez-les, et restez assis contre eux [dans] tout aguêt. Mais s’ils se repentent, élèvent la prière, et donnent la dîme, alors dégagez leur voie. Dieu pardonne, Il est très miséricordieux (9,5).
Le montant de ce tribut qui « constitue la marque de la primauté et de la domination de l’Islam sur les non-musulmans » (Sami ALDEEB, auteur suisse palestinien, docteur en droit  islamique, Directeur du Centre de droit arabe et musulman, « Le tribut (jizya) dans l’Islam », source ) est fixé arbitrairement par le pouvoir    islamique, lequel a souvent argué du fait qu’il avait pu être payé pour en augmenter encore le montant.

Une lourde fiscalité qui incite à la conversion, mais les conversions alourdissent encore la jizya à payer par les autres car le pouvoir a toujours besoin de plus d’argent (G. BENSOUSSAN, op. cit., p. 51).

La jizya

Taxe spéciale exigée des hommes en sus des autres impôts versés à l’État, la jizya « est le prix que paient les juifs et les chrétiens pour obtenir la vie sauve, le droit de séjourner en terre d’Islam, de demeurer dans l’infidélité et de bénéficier de la « protection » de l’État » (Annie LAURENT, Docteur en Sciences Politiques, journaliste et conférencière).
Il va de soi que, s’il ne peut payer la jizya, le dhimmi doit se convertir à l’Islam, faute de quoi il est, ainsi que toute sa famille, réduit en esclavage ou tué.
Le paiement de la jizya doit s’accompagner de l’humiliation du dhimmi : la cérémonie est publique, et le dhimmi est frappé sur la tête.

Humiliations infligées aux dhimmis

Les humiliations infligées aux dhimmis ne se limitent pas à ce seul moment, mais sont multiples et concernent tous les lieux et tous les moments. Les énumérer toutes nécessiterait plusieurs pages. Le Pacte d’Omar en contient de nombreuses :
•interdiction de construire de nouveaux lieux de culte,
•de reconstruire ceux qui ont été détruits,
•d’avoir des maisons plus hautes que celles de musulmans ;
•interdiction de jamais frapper un musulman (même pour se défendre),
•d’avoir une arme,
•d’épouser une musulmane,
•d’hériter d’un musulman,
•…

Quant à critiquer les musulmans et/ou l’Islam, il va de soi que la prohibition en est absolue.



Au fil du temps, et selon les pays, d’autres dispositions avilissantes sont imposées aux dhimmis :
•port d’habits spécifiques,
•de couleur visible de loin,
•coiffe et chaussures particuliers,
•type de selle (en bois seulement),
•type de monture (ânes, à l’exclusion des chevaux),
•comportement dans la rue et/ou en présence de musulmans ;
•cantonnement à l’exercice de certaines professions interdites aux musulmans,
•ou interdiction de certaines professions ;
•obligation d’effectuer des tâches dégradantes ; etc.


Ségrégation sociale

Les dhimmis sont également l’objet d’une ségrégation sociale puisqu’ils doivent vivre dans des quartiers séparés, le plus souvent insalubres et impliquant une promiscuité induite par leur exiguïté, tels que, pour les juifs du Maroc, le mellah – qui, à l’origine, fut instauré pour les protéger des exactions des masses populaires musulmanes, mais devint, au fil des ans, le lieu de vie imposé, sans possibilité ni d’habiter ailleurs ni de l’agrandir.
Selon l’époque et le  lieu, la condition du dhimmi était plus ou moins dure. Néanmoins, le dhimmi restait toujours l’inférieur, traité comme tel, y compris au point d’être battu voire tué sans réaction de l’autorité censée le protéger.
Transmission de la dhimmitude chez les maîtres…
Il était dès lors inévitable que, habitué dès son plus jeune âge, à voir dans le dhimmi un être inférieur, le musulman considère cette situation comme la normalité, et que, devenu adulte, il transmette cette vision à ses propres descendants, d’autant que le Coran lui-même lui commande pareille conception. Tel est toujours le cas aujourd’hui où l’injure suprême est, pour un musulman, de traiter quelqu’un de « juif » ou de « kouffar » (c’est-à-dire mécréant).

… et chez les dhimmis, …
Il était tout aussi inévitable qu’habitué dès son plus jeune âge à être méprisé, injurié, battu, le dhimmi vive cette condition faite de contraintes multiples comme insurmontable et renonce à lutter pour en sortir.


…juifs ou chrétiens

 Insupportable pour les Chrétiens d’Occident, qui se sont souvent réfugiés en terre chrétienne pour y échapper, cette vie fut en revanche longtemps celle tant des Chrétiens d’Orient que des Juifs aussi bien en Orient qu’en Afrique du Nord. La création de l’État d’Israël provoqua l’exode forcé de la quasi totalité des Juifs des pays arabes où ils vivaient avant même la conquête islamique. Pour les  Chrétiens d’ Orient, la renaissance du califat de l’État islamique a entraîné de nombreux massacres, et la communauté copte ne cesse d’être, en Égypte, victime d’attentats et meurtres de la part de la confrérie des Frères Musulmans.

La mise en œuvre de la dhimmitude en tant que protection

La protection accordée aux dhimmis étant subordonnée au respect par ceux-ci des obligations et interdictions auxquels ils sont soumis, et le pouvoir islamique étant seul juge de cette stricte soumission, la vie des dhimmis est en réalité soumise au bon vouloir de ce pouvoir, et aux tensions populaires auxquelles il veut mettre fin.

Massacres

La protection est en effet accordée par les autorités contre les exactions de la population musulmane, souvent excitée par les prêches d’imams hostiles à la présence des dhimmis. Que l’Islam se sente menacé par des guerres, ou que le pouvoir s’exerçant localement n’ait pas la volonté réelle de protéger les dhimmis, et on assiste à des massacres de masse.



Le plus ancien de ces pogroms semble être celui qui s’est produit le 30 décembre 1066 à Grenade, en Al-Andalous, sous domination islamique : la foule musulmane assaille le palais royal, crucifie Joseph Ibn Negrela, le vizir du roi et chef des juifs de la ville, puis massacre la quasi totalité des juifs de Grenade, soit environ quatre mille personnes, en un jour :
L’Andalousie sous domination islamique était loin d’être l’âge d’or d’une coexistence harmonieuse entre juifs, chrétiens et musulmans que certains se plaisent à glorifier.
De nombreux autres massacres eurent régulièrement lieu tant en Afrique du Nord qu’au Proche et au Moyen-Orient, depuis les débuts du califat jusqu’à sa renaissance actuelle avec l’État Islamique et son application de la charia aux territoires qu’il a conquis.

Le sort des enfants de dhimmis

On doit en outre rappeler que, en dehors même de ces massacres, le sort réservé aux enfants des dhimmis fut souvent tragique :
•dans les provinces balkaniques de l’Empire ottoman, de nombreux enfants chrétiens furent enlevés, réduits en esclavage et islamisés de force ;
•au Yémen, les enfants juifs ou chrétiens orphelins de père étaient enlevés à leurs familles et islamisés de force, et ce jusqu’au XXème siècle.
•les mêmes conversions forcées étaient souvent pratiquées à l’encontre des jeunes filles, notamment en terre chiite (Yémen et Perse).

Sur les conversions forcées tant des juifs que des chrétiens, on se référera utilement à l’ouvrage précité de Georges BENSOUSSAN (pp. 131-133).
Récits des voyageurs du XIXe siècle sur la situation des dhimmis
Dire que la dhimmitude a évolué dans le temps et l’espace amène nécessairement à envisager sa confrontation à l’expansion occidentale à partir de la seconde moitié du XIXème siècle. Dès le début de ce siècle, les récits des voyageurs s’étaient fait l’écho de la situation misérable des juifs et des chrétiens en terre d’islam : la campagne d’Égypte de Bonaparte, les voyages de Chateaubriand, puis d’autres écrivains (Pierre LOTI, Charles de FOUCAULT, Joseph HALEVY, des représentants de l’Alliance Israélite Universelle), ainsi que des rapports consulaires rapportaient des récits de plus en plus nombreux, qui heurtaient la conscience occidentale imprégnée des concepts issus de la Philosophie des Lumières : maltraitance physique, insécurité totale, misère absolue des dhimmis
 (G. BENSOUSSAN, op. cit., p.27-43).


Traités entre puissances occidentales et l’Empire ottoman

La poussée tant politique qu’économique des Européens, en particulier des Français qui sont présents sur les côtes algériennes dès 1830, et des Britanniques qui, en 1838 et 1841, signent des traités de libre-échange avec l’Empire turc, s’accompagne d’une pénétration des idées issues des Lumières dans le monde musulman, et notamment dans l’Empire ottoman. Ces traités prévoient notamment l’exemption du statut de dhimmi pour les négociants européens.
Sous l’impulsion de son ministre des Affaires étrangères, sensible aux idées issues de la Révolution de 1789, le sultan Abdülmecid 1er promulgue, en 1839, une première série de réformes qui affirment l’égalité juridique de tous ses sujets, y compris les non-musulmans.
Toutefois, ces décrets resteront, jusqu’en 1914, inappliqués dans les provinces arabes de l’Empire.
Ces deux séries de réformes (« Tanzimat ») se heurtent à une hostilité violente dans de nombreuses régions de l’Empire, notamment le Yémen dont le gouverneur turc refuse leur application pour calmer la fureur de la population.A la suite de la guerre de Crimée (1854-1855) où les puissances occidentales s’allient à l’Empire ottoman contre la Russie tsariste, le même monarque publie, en 1856, un nouveau décret sur les droits des non-musulmans : de nouveaux lieux de culte pourront être construits, la jizya est supprimée, remplacée par une nouvelle taxe payée en substitution du service militaire et qui demeurera en vigueur jusqu’au lendemain de la révolution de 1909.
En théorie au moins, les non-musulmans peuvent accéder à la fonction publique. Enfin, le vocabulaire péjoratif utilisé à l’endroit des dhimmis est proscrit.

Les Juifs d’Algérie deviennent français…



En Algérie, au grand dam des populations musulmanes – et aussi des Français venus de métropole – les Juifs indigènes cessent d’être des dhimmis et deviennent des citoyens français par le décret Crémieux de 1870. Les musulmans n’accepteront jamais que se soit ainsi réduite « la distance du maître au soumis » (G. BENSOUSSAN, op. cit., p. 314), fondement d’une vision fondamentalement inégalitaire de la société islamique où le musulman domine nécessairement le dhimmi, comme le veut le Coran.
… Mesure non étendue par la France aux Juifs de Tunisie et du Maroc
C’est sans doute pour éviter des frustrations similaires du monde musulman que la France n’étendra pas cette mesure aux Juifs indigènes du Maroc et de la Tunisie.

Toutefois, à l’initiative du Bey, le statut de dhimmi avait été abrogé en Tunisie en 1857.
En revanche, au Maroc, même après l’instauration du protectorat français en 1912, le Juif est demeuré un dhimmi.
Aujourd’hui, la dhimmitude reste d’actualité : le sort des Chrétiens au Pakistan en atteste, ainsi que l’illustre la tragique histoire de Asia BIBI. Et les massacres perpétrés par le Califat de l’État Islamique à l’encontre des Chrétiens, Yézidis, et autres minorités non musulmanes prouvent la permanence de cette institution intrinsèquement liée à l’Islam.
Il convient également de souligner que, en application d’une recommandation faite par Mahomet selon laquelle « deux religions ne doivent pas coexister dans la Péninsule arabique », la dhimmitude ne s’applique pas en Arabie saoudite, pays où la citoyenneté se confond obligatoirement avec l’appartenance à l’Islam (Annie LAURENT, préc.). Dans ce pays, il est toujours interdit de construire des édifices religieux non musulmans, comme d’introduire ou de détenir les livres saints des religions autres que l’Islam.
D’autres États font de l’appartenance à la religion musulmane le critère facilitateur de l’obtention de  de la citoyenneté.
Ainsi, au Maroc, « la nationalité marocaine peut être octroyée à toute personne née au Maroc de parents étrangers et ayant une résidence habituelle et régulière au Maroc, dont le père lui-même est né au Maroc, lorsque ce dernier se rattache à un pays dont la fraction majoritaire de la population est constituée par une communauté ayant pour langue l’arabe ou pour religion l’Islam et appartenant à cette communauté » (source)

La jizya, abolie au XIXe siècle, garde toute sa portée

Ainsi que l’écrit Sami ALDEEB (précité), « l’abolition du tribut (jizya) au milieu du XIX èmesiècle ne signifie pas qu’elle n’est qu’une institution historique sans portée actuelle. Inscrit dans le Coran et les récits de Mahomet, les deux sources du droit musulman, aucune décision politique ne saurait abroger le tribut (jizya), tant que ces deux sources gardent leur sacralité aux yeux des musulmans.
Il en va de même de normes aussi critiquables que l’esclavage et la lapidation, à titre d’exemples. Les normes islamiques peuvent tout au plus être mises en sourdine, en attendant des temps plus propices ». Les mêmes mots peuvent être repris pour la dhimmitude, dont la jizya n’est qu’une des modalités de mise en œuvre.
En sorte que, comme le souligne le Professeur ELLUL (précité), « aujourd’hui, pour l’Islam conquérant, tous ceux qui ne se reconnaissent pas musulmans n’ont pas de droits humains reconnus en tant que tels. Ils retrouveraient dans une société islamique la même condition de dhimmi ».

Quid de nos sociétés multiculturelles ?

Tous ceux qui pensent que le développement de l’islamisation de nos sociétés occidentales ne saurait être que l’apport bénéfique d’une culture multi-séculaire ne peuvent, sans aveuglement ou mauvaise foi avérée, faire l’impasse sur l’avenir programmé qui leur est ainsi promis,tout comme à leur descendance : devenir des individus sans droits humains, soumis à la dhimmitude.

Par Danielle Khayat, Magistrat à la retraite

Souce Hakeshet
 
Source Tribune Juive
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