mardi 14 février 2017

Dérapages antisémites chez les défenseurs de l’orthodoxie russe

 
La polémique autour du transfert d’une cathédrale musée à Saint-Pétersbourg au clergé orthodoxe a donné lieu à des dérapages verbaux proférés par des alliés du président Poutine. La société civile de Saint-Pétersbourg est sortie dimanche de sa torpeur pour manifester contre la cléricalisation croissante du pays......



Environ 2000 personnes ont formé une chaîne humaine autour de la colossale cathédrale Saint-Isaac, l’un des monuments les plus connus de l’ancienne capitale tsariste, pour protester contre son transfert sous l’autorité du patriarcat de Moscou. Menés par le député du parlement régional de Saint-Pétersbourg Boris Vichnievsky, les manifestants souhaitent que la cathédrale garde son statut de musée d’art.
Saint-Isaac, qui est visité chaque année par 4 millions de touristes, est aussi un lieu de culte où l’église orthodoxe a toute latitude pour organiser régulièrement des offices religieux.
Une partie de l’intelligentsia russe s’est ralliée aux opposants, notamment des personnalités proches du Kremlin, comme le directeur du musée de l’Ermitage Mikhaïl Piotrovsky et le réalisateur Stanislas Govoroukhine, qui préside le comité culture au parlement à Moscou.
Une pétition contre le transfert a réuni 211 000 signatures.

Demande d’ouverture d’enquête

Non seulement la réponse des partisans de l’église orthodoxe a été cinglante, mais elle a pris une tonalité antisémite inédite dans l’histoire récente du pays. Menant une contre-manifestation de 1000 personnes dimanche, le député fédéral Vitali Milonov a déclaré:
«Les ancêtres de Boris Lazarevich Vichnievsky et de Maxime Lvovitch Reznik [également député] nous ont fait bouillir [les chrétiens] dans des marmites puis ont jeté les restes aux bêtes sauvages.»
Il n’échappe pas aux russophones que les patronymes et noms de famille des deux hommes ont une consonance juive.
Réagissant au dérapage, un troisième député local a demandé au parquet d’ouvrir une enquête pour «incitation à la haine raciale» contre Vitali Milonov. Ce dernier, un poids lourd du parti du pouvoir Russie unie, s’est défendu lundi de tout antisémitisme, affirmant qu’il tenait Vichnievsky et Reznik pour des «païens».
Cet incident fait suite au dérapage similaire d’un autre député du parti Russie unie le mois dernier.
Piotr Tolstoï, ancien présentateur vedette de la télévision, avait assimilé les opposants au transfert de Saint-Isaac à un complot juif: «Les descendants de ceux qui ont détruit nos temples, surgissant en 1917 de la zone de résidence, revolvers en main, ces petits-enfants et arrière-petits-enfants travaillent aujourd’hui dans les positions très respectables comme les stations de radio et conseils municipaux, où ils poursuivent les œuvres de leurs aïeuls.»
La «zone de résidence» fait référence aux territoires de l’Empire russe où les juifs étaient cantonnés.

«Cloaque d’antisémites»

Piotr Tolstoï exploite un préjugé antisémite consistant à rendre les juifs responsables de la révolution bolchévique et des destructions d’églises qui s’en sont suivies.
Déclenchant l’ire de la communauté juive, il s’était défendu en affirmant qu’il ne visait pas les juifs et qu’on l’avait mal compris. Le président du parlement Viacheslav Volodine, proche du patriarche orthodoxe, avait pris sa défense en expliquant que Tolstoï faisait allusion non pas aux juifs mais «à des prisonniers».
L’article 282 sur «l’incitation à la haine raciale» est employé à tour de bras par les autorités russes contre les opposants, notamment les internautes suspectés de «russophobie».
Jamais aucun représentant du pouvoir n’a en revanche été inquiété. Pour le porte-parole de la Fédération des communautés juives de Russie, Boroukh Gorine, le parti du pouvoir doit sanctionner les fautifs, «sans quoi Russie unie va progressivement devenir un cloaque d’antisémites et d’inquisiteurs moyenâgeux […] et verra sa réputation s’écrouler».
Source Le Temps
Suivez-nous sur FaceBook ici:
Suivez nous sur Facebook...
Sommaire