vendredi 27 novembre 2015

40 ans après, les Juifs Marocains sur les pas de la Marche verte


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Deux générations, deux visions. Invités aux commémorations du quarantenaire de la Marche verte à Laâyoune, le jeune américain d’origine marocaine Joshua Cohen  et l’écrivaine juive marocaine Nicole Elgrissy nous racontent leurs impressions. Carnet de voyage haut en couleurs...


Joshua Kohen, étudiant


J’ai été convié par la Fédération Femmes Marocaines et Femmes du Monde, qui cherchait à inviter un panel représentatif de la diversité marocaine. J’ai accepté l’invitation sans hésiter.
Depuis le hublot, alors que l’avion qui nous ramenait de Casablanca s’apprêtait à atterrir, c’était impressionnant de voir Laâyoune surgir telle une perle des sables, belle et inattendue.
A notre arrivée, nous avons été accueillis dans un grand bivouac sur les rives de la Saguia el Hamra. Depuis notre atterrissage mercredi 4 novembre à l’aéroport Moulay El Hassan Ier et jusqu’à notre départ le dimanche 8 novembre, les chants patriotiques n’ont pas cessé. J’ai été tout de suite emporté par cette ferveur et cette liesse populaires.
L’emblème national flottait partout aux rebords des fenêtres des maisons et des bâtiments publics, porté haut par des Sahraouis de tous âges et toutes classes sociales, accroché aux khimats où tous ensemble on dansait et chantait. Les gens qui m’ont reconnu sont venus me saluer, prendre des photos en ma compagnie et me dire combien ils sont fiers de voir un américain aux lointaines racines marocaines défendre le Sahara avec autant de fougue et de sincérité. Nous avons aussi partagé notre repas de shabbat avec nos amis musulmans en plein désert.
Cette atmosphère m’a donné la chair de poule. J’étais très honoré, heureux et ému de participer à ces fêtes marquant les 40 ans d’un évènement historique. Ma présence et celle des autres Marocains de confession juive, était, je pense, très symbolique. 50 ans après le grand départ de 1967 et alors qu’il ne reste qu’une minorité de juifs au Maroc, nous sommes revenus rappeler notre attachement à cette terre et à son histoire à laquelle nos aïeux ont contribué. Laâyoune est une ville moderne, vivante et chaleureuse, un joyau en plein désert. Elle est à l’image du Maroc, plurielle et unie. Je ne comprends pas que certains puissent dénier sa marocanité au Sahara.
Ceux-là sont une minorité et nos voix doivent porter beaucoup plus haut que les leurs car l’Histoire est avec nous et personne ne réussira à la pervertir.  Je suis né et je vis aux Etats-Unis, je suis juif américain, seule ma grand-mère paternelle est d’origine marocaine et je n’ai pas de passeport vert comme on dit.  Aminatou Haïdar est musulmane, elle est née et vit au Maroc, elle a la nationalité marocaine.
Pourtant, elle passe son temps à sillonner le monde pour salir l’image du Royaume et nier la marocanité du Sahara, alors qu’elle sait pertinemment que cette terre était marocaine bien avant l’arrivée des Espagnols et des Français. Après avoir vu Laâyoune et rencontré les Sahraouis, j’ai encore plus de mépris pour cette femme.
Tout cela pour vous dire que le sentiment d’appartenance à un pays ne vient pas d’un papier mais du cœur. Le message que j’ai voulu adresser aux jeunes marocains de ma génération, où qu’ils soient dans le monde et quelque soit leur confession, c’est de se lever pour défendre les couleurs du drapeau national, pour raconter au monde le Sahara marocain, son histoire, sa richesse et sa beauté.
Pour cela, les anciens doivent accepter de passer le flambeau de cette cause nationale aux générations montantes, en invitant par exemple des jeunes juifs et musulmans d’origine marocaine des quatre coins du monde à des séminaires ou des voyages organisés dans les provinces du Sud, les emmener découvrir Laâyoune, Dakhla ou Smara.
Il s’agit de semer en eux un sentiment de fierté patriotique en leur faisant découvrir l’histoire, le présent et l’avenir du Sahara marocain. En les laissant tout simplement s’imprégner du parfum et de l’âme de cette terre qu’ils transmettront à leur tour à leurs enfants…

Nicole Elgrissy, écrivaine


Mon enfance comme celle de tous les Juifs marocains de ma génération était tapissée des portraits des regrettés Mohammed VI et Hassan II. A la Fête du Trône, ma mère me mettait mon caftan et lors de chaque discours royal à la télévision, ma grand-mère maternelle Mama Rahel nous demandait à mes frères et moi d’ajuster nos tenues et de nous tenir droit car il fallait honorer et respecter le Sultan.
J’avais 17 ans à la Marche Verte. J’ai été impressionnée de voir autant de Marocains, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, se mobiliser pour s’en aller à la reconquête du Sahara sur un simple appel du Roi. Cet évènement historique m’a énormément marquée et je suis encore imprégnée de son essence et de ses airs patriotiques.
Je n’oublierai jamais non plus le jour où les mokhaznis sont venus remettre le wissam alaouite à mon père, alors qu’ils ne savaient pas qu’il venait de décéder la veille, le vendredi 3 mai 1980.  J’ai encore gravé dans ma mémoire l’image de ma mère pleurant et criant que son Robert est mort avant d’avoir pu voir sa médaille d’honneur.
Pendant 7 jours, maman a déposé le wissam sur le manteau de papa tandis que du haut de mes 20 ans, je suivais ce rituel mâtiné d’amour pour son époux défunt et son Maroc. Tous ces évènements ont fait de moi la marocaine patriote que je suis aujourd’hui. C’est donc sans hésitation, pour la mémoire de feu Hassan II et celle de mon père, que j’ai accepté l’invitation à ce quarantenaire de la Marche Verte.
Quand je suis arrivée à l’aéroport de Laâyoune ce mercredi 4 novembre 2015, les souvenirs de mes 17 ans ont ressurgi d’un coup lorsque j’ai entendu chanter « Laâyoune aïniya ». Je me suis aussitôt mise à la chanter à mon tour. Je n’avais jamais vu le Sahara auparavant. Ce premier contact avec la terre pour laquelle les générations marocaines précédentes se sont battues et sacrifiées a été un chamboulement émotionnel pour moi.
Je pense que les Juifs sahraouis devraient être plus loquaces sur leurs souvenirs et s’investir davantage dans la défense de la marocanité du Sahara et dans son développement.
Aujourd’hui, ils vivent pour leur grande majorité loin du Maroc, mais l’absence physique ne doit pas leur faire oublier que leurs aïeux reposent ici et qu’en leur nom et au nom des 2500 ans de présence juive sur cette terre bénie, ils doivent se montrer  plus combattifs. L’amour pour notre Roi devrait aller de pair avec l’amour pour le Sahara…


Source L'observateur du Maroc