vendredi 26 juin 2015

Une première œuvre du « trésor nazi » adjugée 2,61 millions d’euros


Mercredi 24 juin dans la soirée, Sotheby’s mettait en vente à Londres une première œuvre issue de la « collection » Gurlitt, du nom de Cornelius Gurlitt, l’octogénaire allemand qui avait caché jusqu’en 2012 plus de 1 600 œuvres amassées par son père sous le IIIe Reich. Ce tableau, Deux cavaliers à la plage, peint en 1901 par l’Allemand Max Liebermann, qui était inclus dans une vente d’une cinquantaine d’œuvres impressionnistes et d’art moderne, a été adjugé 1,865 million de livres (2,61 millions d’euros), soit bien au-delà de l’estimation faite par la maison d’enchères, qui avançait une fourchette de 350 000 à 550 000 livres (entre 493 000 et 775 000 euros)...Details...


 La « collection » Gurlitt, des centaines d’œuvres saisies par les nazis

Le tableau est l’une des quelque 1 406 œuvres d’art (peintures, dessins et gravures) découvertes à Munich dans l’appartement de Cornelius Gurlitt en 2012 à l’occasion d’une simple enquête pour fraude fiscale.

Parmi celles-ci, des Picasso, Matisse, Renoir, Delacroix, Chagall, Otto Dix, Chagall, Klee, Kokoschka, Beckmann, Canaletto, Courbet, Pissarro ou Toulouse-Lautrec.
Une nouvelle perquisition dans une maison lui appartenant à Salzbourg (Autriche) avait conduit à la découverte de 238 œuvres supplémentaires, dont 39 toiles. Parmi les signataires, là encore, Renoir, Picasso ou Chagall.
Cornelius Gurlitt tenait ce trésor de son père, le marchand d’art Hildebrand Gurlitt (1895-1956), qui fut l’un des galeristes chargés par Goebbels de vendre les œuvres d’art dit « dégénéré » saisies par les nazis dans les collections des musées allemands et dans les collections privées de familles juives.

Un accord sur 590 œuvres


En avril 2014, Cornelius Gurlitt avait accepté de coopérer avec les autorités allemandes pour déterminer si une partie des tableaux qu’il possédait provenait de vols et de pillages commis par les nazis, afin que ces œuvres soient rendues aux ayants droit des propriétaires spoliés.
L’accord, qui ne concernait que les pièces saisies en Allemagne, pas celles retrouvées en Autriche, portait sur quelque 590 œuvres, pour lesquelles les descendants des anciens propriétaires spoliés avaient un an pour se faire connaître et valoir leurs droits. La Femme assise de Matisse avait ainsi été restituée en mai 2014 aux héritiers du collectionneur d’art juif français Paul Rosenberg.
Cornelius Gurlitt est mort en mai à l’âge de 81 ans, désignant pour le reste des œuvres le Musée des beaux-arts de Berne, en Suisse, comme son légataire universel.


 La trajectoire de « Deux cavaliers à la plage »
On sait que ce tableau de Max Liebermann fut cédé en 1942 par les autorités nazies à Hildebrand Gurlitt. En mars, il avait fait l’objet d’une querelle juridique, lorsqu’un des héritiers légitimes, l’Américain David Toren, âgé de 90 ans aujourd’hui, avait porté plainte à Washington contre l’Allemagne et la Bavière pour demander la restitution immédiate du tableau ayant appartenu à son grand-oncle, David Friedmann, jusqu’à ce que ce dernier doive renoncer à ses biens en faveur des nazis.
David Toren avait 13 ans en 1938 lorsqu’il a vu le tableau pour la dernière fois, dans la maison de Breslau de son riche grand-oncle, avant que ses parents ne le mettent dans un train pour la Suède.

Alors que presque toute sa famille a été exterminée par les nazis, David Toren avait émigré en 1956 aux Etats-Unis.
L’homme, désormais aveugle, a pu récupérer le tableau, recouvert de poussière, au mois de mai. Le mettre en vente a été, selon lui, une « décision douloureuse », mais « inévitable », pour qu’il soit « partagé » entre tous les héritiers.


Source Le Monde