mercredi 28 août 2013

Les chrétiens arabes bientôt sous les drapeaux ?


Un prêtre orthodoxe grec est mis au ban des accusés pour encourager les chrétiens arabes à s’enrôler dans l’armée israélienne. La société israélienne est prise dans un débat houleux sur le « partage du fardeau » du service militaire de façon plus équitable. A l’heure actuelle, quelque 40 % des conscrits potentiels réussissent à se soustraire à leurs obligations militaires. A ce jour, le conflit s’est largement concentré sur les exonérations accordées aux juifs ultraorthodoxes qui étudient à temps plein dans les Yeshivot. La Knesset examine actuellement un projet de loi qui permettrait de réduire considérablement ce privilège, malgré l’opposition déterminée du monde harédi qui a juré de le combattre jusqu’au bout. Mais ces derniers temps, le débat fait rage autour d’un autre segment de la population à même de rejoindre les rangs de Tsahal : les chrétiens arabes. Les membres de la Knesset et les procureurs de l’Etat ont été entraînés dans cet échange passionné, suite à l’intervention d’un prêtre grec orthodoxe de Galilée, qui encourage les chrétiens arabes à se porter volontaires dans l’armée israélienne.



Défroquez le traître

L’automne dernier, le père Gabriel Nadaf, du village de Yafia, a lancé un appel public aux chrétiens arabes israéliens pour servir dans l’armée israélienne. Le mouvement a suscité l’émoi de la communauté arabe, mais n’a fait les gros titres de la presse israélienne que très récemment. Ceci lorsque des députés arabes ont exigé que Théophile III, patriarche de l’Eglise orthodoxe grecque de Jérusalem, rappelle Nadaf à l’ordre ou même aille jusqu’à le défroquer. Ce qui a suscité en retour des appels de députés juifs nationalistes, qui exigent que les législateurs arabes soient interdits d’accès à l’hémicycle et poursuivis pour incitation à la haine contre l’Etat.
Dès la création de l’Etat d’Israël en 1948, les citoyens arabes israéliens, qui représentent désormais 20 % de la population du pays, ont été exemptés de service militaire. Au cours des décennies qui ont suivi, la minorité bédouine et un certain nombre de villages druzes ont choisi d’envoyer leurs fils à l’armée, mais le reste des Arabes – musulmans et chrétiens – ont largement désapprouvé cette démarche.
L’engagement de Nadaf autour de cette question remonte à l’année dernière, quand il a répondu à l’invitation d’un forum local dans la région de Nazareth pour promouvoir l’enrôlement chrétien, le Forum pour la conscription de la communauté chrétienne. Le groupe a été lancé par Bishara Shilyan, un capitaine de bateau arabe de 58 ans, qui a rencontré les premières difficultés pour faire admettre son neveu dans l’armée israélienne. « Tout a commencé quand j’ai voulu faire entrer mon neveu à Tsahal », explique Shilyan. « Ce n’était pas facile. Au début, ils n’ont pas voulu l’accepter. Aujourd’hui, il est major dans une unité de combat. » Puis quand arrive le tour de son fils de rejoindre l’armée israélienne, Shilyan fonde le Forum avec l’aide de membres du clergé local, dont Nadaf. Ses efforts porteront leurs fruits, puisque 90 Arabes chrétiens diplômés du secondaire ont rejoint l’armée israélienne ces derniers mois, soit trois fois plus qu’il y a trois ans. Tsahal vient d’ouvrir un bureau à Tibériade, chargé de faciliter la conscription arabe chrétienne, avec un conseiller spécial nommé par le ministère de la Défense, pour s’occuper exclusivement des Arabes chrétiens.


Menacé de mort

Cependant, Nadaf subit de plein fouet la colère de ses coreligionnaires arabes chrétiens, des musulmans israéliens et de l’Autorité palestinienne.
Dans sa ville natale et aux alentours de Nazareth, de nombreuses affiches couvrent les murs pour condamner le prêtre. Il est désormais obligé de se déplacer avec des gardes du corps et a été mis au ban de l’église de l’Annonciation de Nazareth. On a lacéré les pneus de sa voiture, jeté un chiffon taché de sang devant sa porte. Sa femme et ses deux enfants reçoivent régulièrement des menaces de mort et toutes sortes de malédictions quand ils marchent dans la rue.
Certains gouvernements arabes étrangers ont même lancé un avertissement à Nadaf, le tenant responsable de tout préjudice qui pourrait affecter les chrétiens de la région.
Les dénonciations par les députés arabes comme Haneen Zoabi et Bassel Ghattas du parti Balad ont suivi, ce qui a porté la question sur le devant de la scène nationale.
« Nous sommes contre son initiative », déclare Ghattas, un Arabe chrétien, au Jerusalem Post. « En tant que représentant religieux, il devrait s’occuper uniquement des affaires de son église. Il n’a pas à se mêler de politique. Son rôle n’est pas de chercher à influencer les chrétiens arabes pour qu’ils se portent volontaires dans l’armée israélienne. Cela va à l’encontre de la volonté publique et du désir de la population chrétienne elle-même », ajoute-t-il. « Nous sommes à la fois chrétiens et nous appartenons au peuple palestinien. » Ghattas confirme également qu’il a écrit personnellement à Theophilos, et exigé qu’il renvoie Nadaf s’il continue à promouvoir le service militaire dans l’armée israélienne au sein de la population arabe.
Theophilos a fini par convoquer Nadaf à une réunion au Patriarcat de Jérusalem le mois dernier. Bien qu’il ne l’ait pas révoqué, il a cependant invité le prêtre à la prudence, et l’a sommé de garder un profil bas sur la question, afin de préserver la communauté arabe chrétienne.


Les « fils de la nouvelle alliance »

Pendant ce temps, les députés juifs de la droite et du centre se sont portés au secours de Nadaf. Ils ont exhorté le procureur général à ouvrir une enquête sur la campagne des politiciens arabes contre le religieux grec orthodoxe. Le député Miri Regev du Likoud a dénoncé les législateurs arabes, lors d’une récente audition à un comité de la Knesset. « Il est inacceptable que les députés arabes puissent envisager d’être des chevaux de Troie à la Knesset, et qu’ils envoient des lettres d’incitation à la haine contre un prêtre chrétien, qui encourage les jeunes chrétiens à s’enrôler dans l’armée », insiste-t-elle.
Le déchaînement des réactions a certes bouleversé Nadaf et sa famille, mais le prêtre n’a pas pour autant baissé les bras.
« Nous nous sentons en sécurité dans l’Etat d’Israël », a récemment expliqué Nadaf. « Et nous nous considérons comme citoyens de l’Etat, avec tous les droits qui en découlent, mais aussi les obligations. Nous vivons tous dans le même foyer, que nous devons défendre. » Aux dizaines de jeunes chrétiens arabes à travers le pays, qui s’adressent à lui, par téléphone ou par courriel, pour lui demander conseil, il répond « participez, et n’ayez pas peur ! » Shilyan, de son côté, tient bon, lui aussi. En fait, il a même franchi une étape supplémentaire, en créant un nouveau mouvement politique qui espère gagner des sièges aux prochaines élections de la Knesset. Appelé Bnei Brit Hahadasha en hébreu – Les fils de la nouvelle alliance – le groupe soutient Israël en tant qu’Etat juif et entend défier les positions traditionnelles arabes contre Israël.
Shilyan met en avant l’échec des partis arabes en place à défendre les intérêts communautaires. La plateforme du parti, présentée sur sa page Facebook, comprend l’intégration complète des chrétiens dans tous les domaines, la paix avec un Etat palestinien démocratique et tous les voisins d’Israël, la relance du tourisme et du commerce, et le retour des Israéliens qui ont quitté le pays.


Source JerusalemPost