mercredi 26 juin 2013

Un « Club Med » pour chiens



Monty est un maltais blanc de deux ans qui mène une existence plutôt sympathique. Ses propriétaires, qui l’adorent, l’emmènent faire de longues promenades dans son quartier, le laissent jouer avec ses petits amis canins et le nourrissent à sa faim, avec des aliments qui le maintiennent en forme (et jamais avec les restes de leurs repas !). Son seul défaut : Monty n’aime pas la solitude. Du coup, quand ses maîtres ont dû partir en Galilée pour une réunion de famille sans pouvoir l’emmener avec eux, un casse-tête s’est posé. Le laisser chez des amis ? Impossible : ils avaient déjà tenté l’expérience et celle-ci s’était révélée désastreuse. Le chien avait tant aboyé que les amis n’avaient pas pu fermer l’oeil de la nuit. Quant à la solution de la pension pour chiens, il n’en était pas question : trop cruelle.
 

Il n’y a pas si longtemps, Shmuel Edelblum avait le même genre de problème.
Avant de monter en Israël, il y a dix ans, cet ingénieur du bâtiment originaire de Floride laissait toujours ses chiens dans ce qu’on appelle affectueusement des « villages pour animaux de compagnie » aux Etats-Unis : un lieu où l’on peut se décharger quelques jours de son compagnon avec la certitude qu’il sera bien traité. Hélas, aussi incroyable que cela parut à Edelblum, il n’existait rien de tel en Israël ! Dans un pays à la pointe du progrès où l’on trouvait par ailleurs toutes sortes de services de luxe, nos petits compagnons, eux, étaient encore contraints de vivre au XXe siècle ! Edelblum est depuis toujours un grand amoureux des chiens. Désormais à la retraite, il élève des Aussiedoodles, croisement de caniches royaux et de bergers australiens, à la fois forts et intelligents, et dispose, à Mitzpe Yericho, d’un terrain assez vaste pour accueillir le premier complexe de vacances haut de gamme pour chiens.
 

Comme en colo

A l’époque où il cogite à son projet, Edelblum rencontre David Sidman, un éducateur de retour en Israël après plusieurs années passées à Boston. A en croire ce dernier, les chiens séparés de leurs propriétaires ont besoin d’autre chose que d’une litière confortable et d’une étendue d’herbe pour jouer : il leur faut des stimulations mentales et physiques pour rester en bonne santé.
Les deux hommes associent donc leurs forces. Le résultat ? Une combinaison unique : un « spa pour animaux » et un centre d’éducation canine qui porte le nom sympathique de « Kelevland » (kelev signifiant chien en hébreu).
Kelevland a ouvert fin 2012 et déjà accueilli des dizaines de clients à quatre pattes. A leur arrivée, ceux-ci reçoivent un emploi du temps détaillé qui doit rappeler à leurs propriétaires des souvenirs de colo : lever à 6 heures, promenade de deux heures dans le désert, puis, à 8 h 30, cours d’obéissance. A 9 heures, petit-déjeuner et, à 10 h 30, entraînement d’une heure, escalade et saut d’obstacles. A midi, l’heure la plus chaude, cours de natation dans la piscine privée de 8 mètres qui leur est réservée (nettoyée aux sels de la mer Morte, et non au chlore). Déjeuner à 14 heures, puis c’est quartier libre : les animaux peuvent s’ébattre entre eux ou se baigner en attendant l’heure du dîner.
A ce stade, les chiens sont si exténués qu’ils vont se caler avec ravissement sur leur lit-poire, conçu à leur intention par des designers israéliens, dans leur chambre individuelle climatisée équipée d’un écran plasma branché 24 heures/24 et 7 jours/7 sur Dog TV (là encore une création israélienne). Une webcam permet à leurs propriétaires de s’assurer qu’ils dorment bien.
Et le lendemain matin, le programme recommence.
« Nous ne sommes pas une garderie pour chiens », explique Edelblum, « mais plutôt un “Club Med” pour chiens.
Nous voulons qu’à la fin du séjour, l’animal que vous allez récupérer soit “en meilleure forme” que celui que vous nous avez laissé. »


Un nouveau concept

« C’est un peu comme une start-up », renchérit Sidman.
« C’est un nouveau concept que nous introduisons dans le monde, pour procurer aux chiens un changement de vie radical, avec les défis mentaux et physiques dont ils ont besoin. » Comme pour toute start-up, Edelblum a investi beaucoup d’argent dans la construction de Kelevland, qui comprend les chenils (enfin, les chambres à coucher), la piscine, la pelouse et les parcours d’agilité. Sidman y travaille à plein-temps, tous les jours sauf le Shabbat, et des employés qualifiés viennent le rejoindre en cas d’affluence.
Tout cela se paie cher : 150 shekels par jour, soit le double, voire le triple d’une pension « normale », même si Sidman estime qu’étant donné la qualité du service, ce tarif est sous-évalué. On peut ensuite ajouter des extras, comme une promenade au bord de la rivière Ein Prat toute proche, ou encore un toilettage, de longues séances de « Va chercher ! », 20 minutes de caresses sur le ventre, ou encore un régime alimentaire particulier. « Si le propriétaire veut que son chien mange du filet mignon saignant, nous le lui donnerons, tant que ce n’est pas néfaste pour le chien », affirme Sidman, ajoutant qu’en réalité, personne ne lui a encore fait une telle demande. Tout comme on ne lui a pas encore réclamé de séances d’acupuncture pour chien.
Par la suite, Edelblum et Sidman entendent construire un complexe multiservice pour chiens dans le désert, où l’on travaillera avec une diététicienne qui mettra au point des régimes sur mesure à base de viande crue, par exemple.
« C’est bien plus sain que les croquettes achetées en magasin. Avec ça, le poil est plus brillant, les dents plus blanches », indique Sidman.

Parcours canin

L’aventure canine de Sidman l’éducateur débute dès son arrivée en Israël, en 1999. Aussitôt incorporé dans l’armée, il est affecté à l’unité Oketz, spécialisée dans le dressage des chiens. Ses chiens et lui partent en service actif, flairant le terrain à la recherche des bombes placées dans les maisons de Gaza. Aujourd’hui, l’unité Oketz est très demandée, car presque toutes les opérations se mènent avec des chiens.
Sidman continue d’effectuer ses périodes de réserve à l’armée, mais à son grand regret, il ne s’occupe plus de chiens.
Après son service militaire, il retourne aux Etats-Unis, où il crée une école d’éducation canine qui remporte un très grand succès. Il reçoit un diplôme officiel d’éducation des animaux en pensionnat. Ce n’est pas facile au départ. « J’avais appris à travailler avec des chiens militaires », explique-t-il, « mais je ne savais pas comment éduquer les caniches pour qu’ils ne fassent pas pipi sur le tapis du salon ! » Après 4 ans aux Etats-Unis, il choisit de rentrer en Israël avec sa femme israélienne et sa petite fille. Il se fait très vite une clientèle à Jérusalem en tant qu’éducateur. Par le plus grand des hasards, Edelblum est l’un de ses premiers clients.
Aujourd’hui, Sidman essaie d’importer en Israël l’une des dernières techniques en matière de dressage canin : le sauvetage en eau, inventé en Italie. Un tube relié à un gilet de sauvetage est attaché sur le chien, qui rejoint à la nage la personne en danger de noyade. La victime attrape le tube et le chien la tire ainsi jusqu’à la rive. Sidman est également spécialiste de la recherche d’objets dans l’eau, qu’il enseigne à des chiens dans la rivière proche de Kelevland. Il continue en outre à proposer des « visites à domicile » et des séances d’éducation canine avant ou après ses longues journées de travail avec Edelblum.

Distraire avant tout

Les clients qui inscrivent leur chien pour un séjour à Kelevland sont surtout attirés par le côté « spa », explique Sidman : « Ils sont heureux de savoir que leur chien va s’amuser », affirme-t-il. Pendant les vacances de leurs compagnons, les propriétaires restent en contact avec Sidman et Edelblum, qui les tiennent informés des progrès de l’animal. Des photographies sont envoyées par e-mail.
« C’est l’équivalent d’un camp de vacances actives pour les êtres humains », dit-il, ne plaisantant qu’à demi. « Les chiens reviennent avec une vision différente. On ne s’en rend pas forcément compte tout de suite, ils ne se mettent pas à sauter dans des cerceaux une fois chez eux, mais ils ont connu de nouvelles choses. Nous avons étendu leur horizon. » Un séjour moyen à Kelevland dure deux semaines et la plupart des clients habitent dans le centre du pays (Kelevland peut venir chercher l’animal chez vous et vous le ramener en fin de séjour). « Nous avons beaucoup de jeunes couples de la région de Tel Aviv », indique Sidman, « mais aussi des diplomates étrangers. Jusque-là, nous n’avons fait notre publicité qu’en anglais. » Pour lui, le fait que Kelevland se situe « au milieu de nulle part » est plus un avantage qu’un inconvénient. « Les gens aiment l’idée que leur chien soit à la campagne, loin du bruit et de la pollution. Nous ne pourrions pas les emmener en promenade au bord d’une rivière dans le Kishon, par exemple », ajoute-t-il, faisant référence au cours d’eau très pollué qui coule dans la baie de Haïfa.
Monty, le maltais, est revenu de son week-end à Kelevland sans trop se plaindre. Certes, il a eu du mal à quitter sa nouvelle bande de copains (il y avait trois autres « clients », plus la demi-douzaine d’Aussiedoodles qui vivent à côté), et il lui a fallu quelques jours pour daigner manger autre chose que le poulet cru qu’Edelbaum lui servait à chaque repas. Quant à savoir si c’est désormais un meilleur chien qu’avant son séjour, c’est difficile à déterminer.
Malheureusement », soupire Sidman, « les chiens ne peuvent pas raconter à leurs maîtres à quel point ils se sont amusés.
J’aimerais bien, pourtant ! »


Source JerusalemPost