mercredi 26 juin 2013

Alerte à l’espionnage chinois




L’ambassade de Chine en Israël est située au 219 rue Ben Yehouda à Tel-Aviv.
Ce bâtiment résidentiel de quatre étages, transformé en immeuble de bureaux, abrite 50 diplomates accrédités, ainsi que des dizaines d’employés sans statut diplomatique, ce qui en fait la cinquième plus grande ambassade parmi les 83 nations qui possèdent des missions diplomatiques permanentes en Israël. Si elle se voulait strictement représentative des relations sino-israéliennes, il n’y aurait aucun motif à cette surreprésentation : l’entente entre les deux pays est cordiale, sans plus.
La balance commerciale des deux nations représente 8 milliards de dollars, dont les deux tiers pour la Chine.

Dans une époque de mondialisation comme la nôtre, et en comparaison avec d’autres pays, ce chiffre n’a rien de mirobolant. Les balances commerciales pour les couples israélo-américain et israélo-européen, sont respectivement de plus de 30 milliards de dollars, soit près de quatre fois plus. L’augmentation de cette balance commerciale et le souhait de booster les échanges sont un sujet brûlant qui a été au centre des discussions, à l’occasion de la récente visite du Premier ministre Binyamin Netanyahou à Pékin.
 

Des relations avortées, un partenariat en berne

Dans l’arène diplomatique, Israël n’a, de manière générale, ni les leviers ni la possibilité d’influencer la politique étrangère de la Chine, et encore moins ses différents agissements au Moyen-Orient. La politique de Pékin est dictée par deux mots : stabilité et pétrole. La Chine aspire à une stabilité au Moyen-Orient, de manière à s’assurer l’approvisionnement en pétrole dont elle dépend, ainsi que diverses autres matières premières, vitales pour sa croissance économique.
Le cas de l’Iran est un bon exemple. A maintes reprises, les responsables israéliens – ministres, généraux, officiers des Renseignements – ont échoué à convaincre la Chine de changer sa politique de soutien à Téhéran, en l’invitant à soutenir les sanctions invalidantes contre le régime des Mollahs, dans le but de stopper sa course effrénée à l’élaboration de l’arme nucléaire. Le dernier échec en date remonte précisément à la visite de Netanyahou.
La situation se révèle être encore pire dans le domaine de la sécurité militaire.
A une certaine époque, les relations étaient plutôt bonnes.
Au milieu des années soixante-dix, avant que des relations diplomatiques ne soient mises en place, Israël a été la première nation occidentale à doter la Chine d’un armement moderne.
Mais le sort de la vente d’armes israéliennes allait vite être scellé, alors que 2 nouvelles transactions se dessinaient.
Tout d’abord celle du Phalcon des Industries aérospatiales israéliennes (IAI), destinée à transformer un avion commercial Iliouchine de fabrication russe, en version espionnage « première alerte » pour l’aviation militaire chinoise. Et le second marché, incluant également IAI, concernait l’amélioration technique des drones d’attaque Harpy, dont les modèles de base avaient précédemment été vendus à la Chine.
Mais l’administration américaine de Bill Clinton (président des Etats-Unis à l’époque) pressentait l’émergence de la Chine en tant que nouvelle superpuissance et donc adversaire potentiel. Elle posa donc un ultimatum à Israël pour que le projet Phalcon et la nouvelle version des Harpy soit annulés. Israël protesta, mais finit par céder à la pression de son allié stratégique qui était également son bienfaiteur financier. En conséquence, Israël allait perdre le très dynamique et très lucratif marché militaire chinois, et sera contraint d’essuyer la colère de la classe dirigeante communiste, ce qui lui coûtera près d’un demi-milliard de dollars de compensation à Pékin, pour n’avoir pas honoré ses engagements.

L’espionnage épidémique de la Chine

Dès lors, pourquoi donc la Chine s’emploie-t-elle à déployer toute une batterie de diplomates et autres employés, au sein de son ambassade à Tel-Aviv, incluant une nuée d’officiers politiques et du renseignement, des conseillers économiques et du monde du travail, des attachés scientifiques et militaires, et même des hauts fonctionnaires dans le domaine du renseignement ? La réponse tient en un mot : l’espionnage ; ou de façon plus politiquement correcte : les efforts pour collecter et rassembler des informations sur Israël, en insistant notamment sur ses trésors de technologies avancées.
Les médias internationaux ont fait état de rapports de plus en plus nombreux, concernant les activités d’espionnage des services chinois aux Etats-Unis même. Un rapport du Pentagone, partiellement relayé par le Washington Post, a révélé que les activités de l’espionnage chinois ont atteint un niveau épidémique incontrôlable. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’espionnage classique, c’est-à-dire le recrutement de sources humaines dans le but d’en faire des agents, bien que des officiers de l’Intelligence et des Renseignements chinois aient été pris en flagrant délit de ce genre de pratiques sur le sol américain.




De nos jours, les efforts de la Chine en matière de collecte d’informations se concentrent sur ce qu’on appelle la « cyber-guerre » (lutte cybernétique). Elle consiste à pirater les systèmes informatiques pour en voler les données confidentielles qui y sont stockées. Pékin est également impliqué dans le développement de systèmes informatiques invasifs et le piratage de sites stratégiques, tels que ceux des centrales électriques et des banques, qu’elle tente de saboter pour tester les capacités de cyberdéfense des Etats- Unis.
Selon un rapport du Pentagone établi par le Conseil consultatif des sciences appliquées à la Défense, le génie informatique chinois a réussi à voler quelques-uns des systèmes d’armements les plus avancés des États-Unis, et à percer les secrets de certaines techniques de pointe de son chasseur F-35 ainsi que de sa dernière version du missile de défense antiaérienne Patriot.
De fait, la Chine a également compromis les capacités de défense militaire d’Israël. L’aviation israélienne a en effet déjà signé des contrats d’achat du F-35 et l’Etat hébreu est amené à déployer des batteries Patriot pour protéger ses frontières nord avec le Liban et la Syrie. Selon d’autres rapports, la Chine aurait aussi piraté les agences de renseignement australien et mis la main sur des données ultrasensibles.
Le porte-parole chinois a vivement démenti que sa République se serait rendue coupable de ces malversations, sans réussir à convaincre quiconque.
Dans leur course pour devenir la plus grande puissance économique et militaire, les dirigeants et agents du renseignement militaire chinois, ne font pas dans le détail.
Ils ciblent tous les pays développés qui disposent d’une technologie sophistiquée. Ainsi, ils ont usé des mêmes méthodes pour espionner aussi bien le sol israélien, son cyberespace, ses entreprises et ses institutions scientifiques et militaires. Israël a un double attrait pour la Chine : d’une part, superpuissance high-tech, et d’autre part, ses relations militaro-scientifiques et technologiques privilégiées avec les Etats-Unis. Dans ce domaine, les efforts déployés par les Chinois pour cibler Israël ne sont pas sans rappeler ceux des Soviétiques.

Des attaques en règle

Dès les années soixante et ce, jusqu’en 1980, c’est-à-dire avant l’effondrement du régime communiste, les opérations d’espionnage dirigées contre Israël avaient pour but premier la collecte d’informations dans le domaine technologique et militaire, avec en toile de fond, l’objectif de tirer parti des liens étroits qu’entretenaient Jérusalem et Washington. « En ce sens, Israël a été pour nous un tremplin pour pénétrer l’Amérique », a confié, au milieu des années 1990, le général Vladimir Krioutchkov, dernier directeur du KGB avant le démantèlement du célèbre organe de renseignement soviétique et son remplacement par une nouvelle structure.
« Les Chinois n’ont jamais cessé leurs opérations d’espionnage en Israël », m’a confié une source de haut rang, familière du sujet. » Leurs moyens d’action sont très diversifiés. Ils essaient d’obtenir des données à partir de sources ouvertes, de recruter et de diligenter des agents dans les secteurs les plus sensibles, comme les industries militaires, l’armée et l’aviation, et de pénétrer la communauté du renseignement et les entreprises high-tech. » On suppose qu’à l’instar des autres puissances, l’ambassade de Chine à Tel-Aviv, abrite un réseau électronique et autres équipements sophistiqués, leur permettant de faire bugger les communications israéliennes pour déchiffrer leurs messages codés, à l’aide du signal SIGINT, un signal envoyé à un processus afin de provoquer son interruption, bien connu du monde du renseignement.
Tout récemment, le professeur Itzhak Ben-Israel, l’un des meilleurs experts israéliens en matière de cyberespace, cybercriminalité et sécurité dans le domaine technologique, a déclaré qu’Israël est confronté à des centaines de cyberattaques quotidiennes. Ben-Israel, ancien général de division de l’armée israélienne, nommé il y a deux ans par Netanyahou pour créer un département de lutte contre le terrorisme informatique, n’a pas précisé qui en étaient les assaillants. Mais, selon une source bien informée, parmi eux se trouvaient en bonne position, des hackers chinois, fort probablement des officiers militaires.

L’ennemi de l’ombre

La lutte contre l’espionnage intrusif et la protection des secrets d’Etat est entièrement entre les mains de l’Agence de sécurité intérieure (le Shin Bet). L’Agence a affecté deux unités spéciales à ces missions. L’une, de nature technique, est destinée à fournir des directives aux agents de sécurité et aux experts, quant à la façon de protéger les ordinateurs et les systèmes de réseau sur les sites top secret, comme le réacteur nucléaire de Dimona et les services de sécurité des industries militaires.
L’autre a la mission plus classique de traquer les espions.


 

Dans le passé, cette unité avait dans son viseur les espions de l’Union soviétique et ses satellites du bloc de l’Est. Les agents de cette unité surveillaient les diplomates communistes, mettaient leurs téléphones sur écoute et pénétraient en infraction dans leurs ambassades. Mais avec la chute du communisme en Union soviétique et dans les pays d’Europe orientale, le Shin Bet a déplacé sa cible. La Russie, qui, depuis, a tissé des liens avec le Renseignement israélien, n’en demeure pas moins dans le collimateur de la mission de contre-espionnage du Shin Bet. Mais la Chine l’est encore davantage.
Déjouer les activités d’espionnage d’agents en mission qui appartiennent à des Etats qui ne sont pas a priori hostiles, demande un certain doigté. Pas question de froisser les susceptibilités des superpuissances. Pas étonnant que le Shin Bet redouble de prudence, dès lors qu’il s’agit de gérer la présence chinoise en Israël. L’ambassade de Chine, certains de ses diplomates, ainsi que certains hommes d’affaires chinois, sont sous haute surveillance.
Evaluer l’ampleur des opérations d’espionnage chinois en Israël n’est pas une mince affaire. Affirmer si ces diplomates ou hommes d’affaires chinois suspectés sont véritablement coupables et estimer dans quelle mesure les intérêts israéliens vitaux sont en danger non plus. « Mais ce qui est sûr », a déclaré la source de haut rang, « c’est que les Chinois sont très professionnels et aguerris dans l’art de l’espionnage et la collecte de renseignements. Pour preuve, les Etats-Unis et d’autres pays, en ont déjà fait les frais. Il n’y a aucune raison de penser qu’Israël leur a échappé et de croire que leurs efforts n’ont pas fait mouche ici aussi. » Le Shin Bet et le porte-parole de l’ambassade de Chine se sont refusés à tout commentaire.


Source JerusalemPost