jeudi 21 mars 2013

Rue Mandar, pour que l'annee soit douce

  

Une mère qui meurt, un domicile qui reste. Avec Rue Mandar, Idit Cebula filme les émois d’une famille loufoque qui chasse le deuil par le rocambolesque.Un enterrement juif. Autour du corps de la mère, quelques hommes en kippas et les rares membres des trois générations qui composent cette famille ashkénaze. L’occasion pour la fratrie orpheline écartelée de se recomposer, le temps du deuil. Emma (Sandrine Kiberlain), la benjamine partie s’exiler sous le soleil d’Israël, débarque à la dernière minute pour assister aux funérailles, aux côtés de son frère (Richard Berry) et de sa soeur (Emmanuelle Devos). « Tu as pris un vol au Low Cost ». A prononcer holocauste. Le ton est donné.

La réalisatrice Idit Cebula raconte l’histoire d’une famille pas tout à fait comme les autres, mais qui ressemble tant à celles qu’on peut connaître. Le film est juif, assurément. Pétri d’humour et de tendresse. De cette façon typiquement d’Europe de l’Est de savoir se jouer des drames par le second degré.
Tout se passe autour de la rue Mandar. Là, précisément où la réalisatrice Idit Cebula a vécu les 20 premières années de sa vie.
L’appartement de la défunte n’est autre que la matrice, ce qui lie et désunit, ce que la mère a transmis. « Les seuls éléments biographiques, c’est qu’il s’agit d’une famille de trois enfants, issus de parents juifs ashkénazes. Le reste est romancé », pointe Cebula. Mais si ce n’est pas son parcours qu’elle raconte, la réalisatrice, qui a perdu sa mère il y a 4 ans, s’en inspire avec drôlerie et émotion. Quelques scènes cocasses sont directement extraites de son passé. « J’ai vécu les funérailles de ma mère comme dans le film », raconte-t-elle lors de la projection organisée par l’Institut français Romain Gary, à la cinémathèque de Jérusalem, ce vendredi 15 mars. « Ma grande soeur a fait un malaise, il a fallu l’allonger, les pieds en l’air, et ma belle-soeur est allée décrocher un sacpoubelle, qu’elle a vidé de son contenu par terre, pour le mettre sur la tête de ma soeur.


Je me disais que j’appartenais à une famille de dingues. Même devant le corbillard de ma mère, j’étais au spectacle. » Une famille de dingues, dit-elle. Celle qu’elle a choisi de mettre en scène ne l’est pas moins. On retrouve Rosemonde, campée par Emmanuelle Devos, une psy en permanence sur le fil, au bord de l’hystérie, pour devoir assumer en parallèle la perte de sa mère et la séparation d’avec son fils, parti étudier à New York. Charles, sous les traits de Richard Berry, indépendant qui travaille de chez lui, a du mal à exprimer sa douleur. A défaut de dévoiler son intérieur, il décide de refaire celui de sa maison, sous les yeux de sa femme médusée par cet accès d’autorité.
Emma cumule les piges de traductions et les rencontres sans lendemain sous le soleil d’Israël. Une vie un brin bohème qu’elle aime et qui lui ressemble.
Quand tout ce petit monde se retrouve, c’est l’ébullition. Coups de gueule et coups de coeur, ça parle en même temps, vide son sac et se réconcilie. La famille, quoi. A ceci près que celle-ci trimbale peut-être encore plus que les autres l’angoisse de la séparation.
Pour traîner, en trame de fond, les souvenirs de souffrances et les marques indélébiles laissés par la Shoah.
Comédie sur le deuil qui rappelle les films chorals de Danièle Thompson, Rue Mandar suscite l’émotion, sur toute la gamme, en mode mineur ou majeur. Le sourire s’esquisse entre deux larmes. Un film tout en intensité superbement servi par un jeu d’acteurs qu’on ne peut que saluer. Pour les amateurs de ces ambiances burlesques où les scènes de famille se dégustent comme autant de tranches d’une vie qui, quoi qu’il arrive, reste guidée par l’amour et la fantaisie.

Source JerusalemPost