jeudi 24 janvier 2013

Wansee : quatre-vingt dix minutes pour la Solution Finale

 

C'est une villa cossue au milieu d'un grand parc verdoyant dans la banlieue de Berlin, la villa Wansee.Là, le 20 janvier 1942, s'est joué pendant 90 minutes le sort des Juifs d'Europe au cours de ce qui est connu comme la Conférence de Wannsee. C'était une simple réunion de fonctionnaires nazis.


Les participants, une trentaine, savaient que ce dont ils discutaient: la "solution finale de la question juive", avait déjà été décidée par Hitler, son principal adjoint, Hermann Göering et la hiérarchie nazie.
Ils savaient aussi qu'une grande partie du "cadre physique" de l'extermination était déjà en place : les camps, les déportations, les ghettos et même déjà les premières exterminations "artisanales"…

Mais après les premiers succès de l'opération Barbarossa et l'invasion allemande de l'Union soviétique (juin 1941), le Troisième Reich s'est retrouvé confronté à la perspective de devoir gérer les quelque 4 millions de Juifs de l'ouest de l'URSS qui viendraient s'ajouter aux populations juives d'Europe occidentale.

Expulser, déporter, acheminer, assassiner, éliminer les cadavres d'une population aussi importante s'avérait être une tâche colossale qu'il allait falloir envisager de façon rationnelle, planifier et organiser avec une logistique d'un niveau quasi industriel.

L'un des objectifs de la conférence de Wannsee était donc de présenter aux fonctionnaires qui allaient être en charge de l'exécution du "plan", le véritable "chef du projet", Reynhard Heydrich, chef du Bureau de sécurité du Reich et de leur présenter quelques "détails techniques" (par exemple le fait que 11 millions de Juifs peuplaient à cette époque-là l'Europe dont à peine la moitié d'entre eux vivaient dans des pays déjà sous contrôle allemand).

Les premières étapes de la Solution Finale sont aussi présentées : les juifs seront envoyés pour accomplir des travaux physiques à l'Est et ans ce cadre, "une grande partie sera probablement éliminée naturellement".
Il est stipulé que ceux qui auront survécu -et qui seront sans aucun doute les plus résistants-, devront "être traités en conséquence car ils sont le produit de la sélection naturelle qui, si il est libéré, agira comme la semence d'une nouvelle renaissance juive (voir l'expérience de l'histoire)".

Enfin, on a jugé souhaitable de leur repréciser la définition de "qui est Juif".
Les lois de Nuremberg avaient en effet laissé planer un certain flou sur le sort des personnes dont la lignée "raciale" laissait apparaître seulement un quart de juif (ou moins) ou ceux qui, sans être Juifs, étaient mariés à des Juifs.

Pendant plus d'une heure, Reynhard Heydrich s'est concentré sur ce sujet et il semblerait qu'une vive discussion se soit engagée sur la façon dont les populations et les régimes des différents pays sous occupation pourraient réagir à l'expulsion de leurs Juifs.
Tout cela est su parce que la machine administrative allemande est bien "huilée": tout a été consigné dans des procès-verbaux - connus aujourd'hui sous le nom de Protocole d'Eichmann – écrits de la main d'Adolf Eichmann, l'officier SS qui a fini par devenir l'un des principaux exécutants du "plan".

Trente exemplaires du protocole d'Eichmann ont été distribués à l'issue de la réunion. Tous ont été détruits à la fin de la guerre sauf un.
C'est en 1947 que le procureur américain au procès de Nüremberg trouve cet exemplaire dans les documents de Martin Luther, un responsable du ministère allemand des Affaires étrangères, présent à Wannsee, mais déjà mort au moment de la découverte du document.

Dans les procès-verbaux, il est surtout question de la planification de la "Solution finale", on y parle très peu ou par euphémisme, du génocide lui-même et des méthodes utilisées. Interrogé à ce sujet au cours de son procès en Israël en 1962, Adolf Eichmann a expliqué qu' Heydrich lui avait recommandé d'être vague dans son compte-rendu, et d'utiliser à dessein un jargon très administratif.

Néanmoins, a rapporté Eichmann, vers la fin de la réunion, et après qu'une bouteille de Cognac ait circulé, les langues se sont déliées et les participants se sont laissé aller à parler plus librement de "méthodes de mise à mort, de liquidation et d'extermination".
En 1992, la villa de Wannsee est devenue un mémorial de l'Holocauste et un musée.



Source Israel infos